Saturday, March 18, 2006

Citation du 19 mars 2006

Magritte - Les vacances de Hegel

Comme vous avez tous été très sages cette semaine, vous avez droit à une belle image, ça vous reposera des citations. Elle s’appelle « Les vacances de Hegel », et elle est de Magritte.

Une image peut-elle remplir la même fonction qu’une citation ? Sûrement pas ; mais elle peut avoir la même structure. Une phrase est faite d’une articulation de signes : le sens de chacun est tributaire du sens de tous les autres, et bien sûr c’est réciproque. C’est comme un organisme. Or, ici, nous avons aussi une articulation de signes. Ça se lit de haut en bas : un verre (plutôt élégant) rempli d’eau ; un parapluie (également élégant) ; un fond absolument neutre, espace sans structure ni profondeur, simple surface colorée et mate, comme souvent chez Magritte.

Où est l’articulation ? Quel sens peut naître qui ordonne ces signes ? Pourquoi ne pourrait-on pas commencer par le parapluie pour finir par le verre d’eau ? Eh bien simplement parce qu’il y a le titre. Hegel nous dit-il. Donc, Hegel = dialectique ; donc verre d’eau + parapluie = la pluie et ce qui s’y oppose, le parapluie donc. La thèse et l’antithèse. Mais où est donc la synthèse ? Pas dans le glacis qui sert de fond, qui n’est là qui pour signifier la non signifiance d’un espace sans structure. Nous la retrouverons dans le titre : « Les vacances de Hegel ». Voilà, qui dit vacances dit souci du beau temps, promenades sous la pluie (donc : verre d’eau = pluie), donc parapluie pour ne pas se faire mouiller. Le sens du tableau, synthèse de ces éléments serait - par exemple - « Le petit père Hegel part en vacances, mais tout philosophe qu’il est, comme n’importe qui il est enquiquiné par la pluie d’un été pourri. »

S’agit-il bien d’une synthèse ? Pas sûr : la synthèse est dépassement de l’antithèse (qui elle-même est dépassement de la thèse) : elle dit donc autre chose, quelque chose qui vient après. Or ici, le titre constitue le contexte du tableau, il est ce qui ordonne dans le même présent tous les éléments qui y apparaissent, et non ce qui serait son accomplissement dans un ailleurs et un après.

Mais qu’importe ? Magritte n’est pas au programme de l’agrégation de philosophie, et si l’on tolère des « licences poétiques », pourquoi ne tolèrerait-on pas des « licences plastiques » ?

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