Polonius: What do you read, my lord?
Hamlet: Words, words, words.
William Shakespeare, The Tragedy of Hamlet, Prince of Denmark, II.2
On laisse de côté ici l’interprétation habituelle de cette citation : « Cause toujours mon lapin, je vais pas croire tes bonnes paroles, parce que les promesses, tu sais, elles n’engagent que ceux qui y croient… ». Elle n’est pas, je crois le sens du contexte.
Et en effet, moins connue peut-être que “To be, or not to be” (attendez, c’est pour demain...), moins Kitsch que son décalque Dalida-Delonnien (1), mais tout aussi désespérée, la répartie d’Hamlet prince du Danemark nous frappe là où nos habitudes font mal : la lecture de quelque chose qui, dans cette réplique, pourrait bien correspondre à notre presse poeple, puisqu’il s’agit de la description malveillante (dans cette scène il s’agit des vieillards), mais c’est la calomnie en général qui soulève l’indignation d’Hamlet.
Selon Hamlet, il y a des vérités qu’on connaît, qu’on pense, mais qu’on n’imprime point car elles deviennent alors des calomnies. Ce sont les mots, propagés par l’écriture, qui ont un pouvoir que n’a pas la réalité, que n’ont même pas à elles seules les pensées, parce que ces mots volent partout portés par la feuille imprimée, qu’ils prennent tous les sens imaginables au gré de l’imagination de chacun, parce qu’ils ne sont pas tenus par l’objectivité de la chose. Leur pouvoir d’évocation va de paire avec leur immatérialité : une image serait moins trompeuse. Un portrait par exemple, ressemble ou non à son modèle, mais la description verbale possède par l’écriture le pouvoir de se diffuser, de se déformer, de se reformer, en passant d’esprit en esprit.
Platon, dans le Phèdre récuse l’usage de l’écriture, coupable selon lui de livrer à n’importe quel ignorant des vérités qui devraient être réservées à ceux qui sont capables d’en user avec sagesse. Il y reviendra dans sa Lettre VII, preuve que l’ésotérisme a pour lui une importance capitale. On voit ici que la critique du langage ne se fait pas seulement sur son pouvoir d’illusionner, mais bien d’informer.
Oui, mais pour Platon ce sont des vérités fondamentales, comme l’origine de l’être ou la compréhension de la condition humaine qui sont les enjeux de l’écriture. Pour nous c’est la vie privée des starlettes. A chacun ses indiscrétions : ce sont elles qui nous définissent ; et voilà Voici .
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N.B. J’assistai récemment à une représentation mise en scène et traduite par Daniel Mesquich. Hamlet y disait: " Des mot,des épées, des mots...", jouant sur l'assonance Word/ Sword.
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