Tuesday, May 09, 2006

Citation du 10 mai 2006

« Les enfants, qui naîtront des mariages entre les esclaves, seront esclaves, et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont des maîtres différents. »

Code noir - 1685 - Art. 12 (1)

Voilà donc l’esclavage tel que défini par Colbert, et c’est ce qui a sans doute le plus scandalisé (Voir par exemple Rousseau, Contrat social, I, 4 : «Quand chacun pourrait s’aliéner lui-même, il ne peut aliéner ses enfants ; ils naissent hommes et libres ; leur liberté leur appartient, nul n’a droit d’en disposer qu’eux. »). L’esclavage est donc héréditaire, et celui qui perd sa liberté la fait perdre également à toute sa descendance ; ce qui fait qu’aux Amériques, l’interdiction « d’importer » des esclaves au XIXème siècle a débouché sur « l’élevage d’esclaves ». Les esclaves constituent ainsi une variété de bétail, et cela suffirait à attester qu’ils ne font plus partie de humanité.

Aujourd’hui, nous avons une perception un peu déformée de l’esclavage : on le voit plutôt comme la perte de la liberté caractérisée par le fait de travailler sans cesse, sans aucun bénéfice autre que d’avoir la vie sauve. On peut alors avec Marx parler des prolétaires comme d’esclaves des temps modernes. Mais être un esclave, c’est bien autre chose : c’est justement être une chose qu’on achète, qu’on revend, dont on peut hériter ou qui sera saisie en cas de dette. L’esclave est une marchandise qu’on évalue et palpe comme le cheval ou le bœuf ; il ne saurait donc se définir simplement par la suppression de la liberté d’aller ou de venir, de disposer de son temps, de décider qui il veut rencontrer, comme l’est par exemple le prisonnier. L’esclave du Code Noir, c’est cet animal qu’on marque au fer rouge du monogramme de son maître et qu’on punit en cas de faute par mutilation, pour pouvoir le repérer à coup sûr.

On ne peut donc se contenter de le définir, comme on le fait parfois en philosophie, par la perte de la responsabilité ou de l’humanité. Non que ce soit faux. Mais ce sont les faits qui importent, en particulier ceux du monde actuel, parce que sont eux qui créent le choc de l’insupportable, ce sont eux qui sont le scandale. L’esclavage existe toujours, il s’exhibe jusque sur nos trottoirs : il s’appelle - entre autre - prostitution.

Et là, même pas de Code Noir.

(1) On peut consulter l’intégralité du Code noir avec notes sur : http://abolitions.free.fr/IMG/pdf/codenoirtxt.pdf

No comments: