Friday, June 23, 2006

Citation du 24 juin 2006

Quiconque a le courage de paraître ce qu’il est, deviendra tôt ou tard ce qu’il doit être.
Rousseau - Lettre à Sophie d'Houdetot
Cette phrase accumule les paradoxes :
- je suis ce que je suis, et en même temps je ne le suis pas, puisque je dois encore devenir moi-même (= ce que je dois être) ;
- mon apparence au lieu d’être une image pour autrui est d’abord ma réalité.
Mais au lieu de raisonner, faisons ce que Rousseau nous conseille : comprenons avec notre cœur (= intuition) : si je veux m’améliorer, c’est sous le regard des autres que j’y parviendrai (1). C’était une banalité en ce XVIIIème siècle d’affirmer que les grandes villes étaient corruptrices par l’anonymat qu’elles assuraient - qu’on relise Rétif de la Bretonne, et son Paysan perverti : seul le contrôle exercé par les voisins et les parents, vérifiant que les bonnes mœurs sont respectées peuvent obliger l’individu à une conduite morale.
Mais la paradoxe revient : comment, à supposer que je sois un débauché, deviendrais-je meilleur si je me montre tel que je suis ? Molière ne dit nulle part que Tartuffe peut devenir un vrai dévot, même pas après avoir été démasqué. C’est qu’il faut ajouter l’intention morale ; ce qui est requis ici, c’est la visée du devoir être : si Tartuffe démasqué n’est pas meilleur que Tartuffe masqué, c’est qu’après comme avant il n’a pas l’intention de devenir meilleur. En revanche, si vous êtes sincère en ne voulant plus succomber à vos vices (dites-moi, c’est la gourmandise ou c’est l’onanisme ?), alors il faut vous faire aider ; et tout comme vous dénudez votre corps devant votre médecin, dénudez donc votre âme devant vos amis (et les autres si affinité). Car c’est sous le regard d’autrui que vous consentirez les efforts nécessaires pour devenir vertueux.
Mais alors, pourquoi donc Sartre a-t-il écrit « L’enfer, c’est les autres » ?
Réponse demain.
(1) Rousseau qui fut dans sa jeunesse secrétaire de l’ambassadeur de France à Venise se rappelle peut-être ici que c’est sous des masques anonymes que les fêtes y dégénéraient en débauches.

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