Thursday, August 03, 2006

Citation du 4 août 2006

Quiconque a semé des privilèges doit recueillir des révolutions.
Claude Tillier - Mon oncle Benjamin
Ah !... La nuit du 4 août ! Qui donc n’a rêvé de l’avoir vécue ?
Il faut dire que ça commençait à chauffer dans les provinces, la Grande Peur est en marche (1), et les privilégiés vont se défaire de leurs privilèges pour « faire tomber les armes des mains des paysans »(Mathiez). Dans une ambiance indescriptible, ducs, vicomtes, évêques se relaient à la tribune de l’Assemblée nationale constituante pour abolir les privilèges. On termina même la séance en proclamant Louis XVI « restaurateur de la liberté française ». Faut le faire ! Bien entendu ce décret ne fut pas prêt au terme de cette nuit épique, mais seulement le 11 août, et Louis XVI ne se résolut à le signer que le 5 octobre. Ainsi disparaissent les privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des corporations, des villes, des provinces, etc. Ainsi naissait l’égalité des droits, et c’est à l’issue de cette séance que les citoyens deviennent tous égaux devant la loi. A l’exception des « esclaves nègres » ; faut pas exagérer tout de même…
Bien qu’ayant le mérite de nous rappeler cet événement (qui soit dit en passant aurait pu être institué fête nationale), notre citation paraît tout de même un peu naïve. D’abord, parce que des siècles voire même des millénaires ont passé avant que ces privilèges ne déclenchent une révolution. Etaient-ils si insupportables, eux qui ont été supportés si longtemps ? Ensuite, et surtout, de nouveaux privilèges ont pris la place des anciens sans que des révolutions ne soient fomentées pour les abattre. Les mécanismes de reproduction des inégalités sociales ne reposent pas sur des mérites ni sur des fonctions sociales les justifiant. Voyez Bourdieu là-dessus : même si les fils à papa ne sont pas forcément des gosses de riches, ils ont quant même des facilités que les autres n’ont pas.
Surtout s’ils s’appellent Mouloud.
(1) Petit rappel. On est bien sûr en 1789. Il s’agit des émeutes déclenchées par la paysannerie effrayée par la crainte de la réaction nobiliaire à la suite - entre autre - de la prise de la Bastille. Cette Grande peur est donc la peur des paysans, et non pas devant les paysans ; même si au bout du compte c'est à ça qu'on arrive.

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