« …selon le sage Salomon sapience n’entre point en âme malivole et science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Rabelais - Pantagruel - ch. VIII
« science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Cette citation archi-connue (extraite de la lettre contenant les recommandations de Gargantua à son fils) révèle pourtant à la réflexion encore quelques surprises.
- D’abord, Gargantua appelle ici Pantagruel à se conformer à la morale chrétienne. La conscience dont on parle ici est bien conscience morale, et le conseil du père à son fils est de ne pas prendre la science comme ce qui affranchit de toute autorité.
- Ensuite se trouve rappelée la distinction entre la sagesse (sapience) et la science : la première repose sur le règne des valeurs, qui reste extérieur à l’homme parce que transcendant (ici : l’ordre divin), et celui de la science qui se légitime par la rationalité humaine.
- Egalement que la science doit être éclairée par la religion. Ce qui veut dire :
- d’une part que l’opposition entre les deux n’a pas lieu d’être ;
- mais aussi d’autre part que la science ne porte pas en elle-même ses propres règles d’usage.
C’est ici que nous mesurons l’écart entre un homme de la Renaissance et l’homme moderne. Parce que nous aussi nous nous méfions du pouvoir que nous donne la science : la recherche d’un développement durable passe souvent pas la mise à l’écart d’une exploitation des ressources de la planète, rendue possible grâce à la technique moderne, mais désastreuse dans la durée. Seulement, alors que pour Rabelais, c’est à la Bible de nous dire comment nous devons nous conduire (et c’est pour l’essentiel par rapport aux autres), pour nous autres, c’est encore à la raison de légiférer dans ce domaine : il s’agit d’un développement « raisonné », preuve que nous n’avons pas besoin de transcendance pour décider de ce que nous avons à faire.
Comment reconnaître - dans ce domaine - l’âme malivole ? Hans Jonas répond : c’est celui qui, dans son action, ne prend pas en compte l’avenir.
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