Sunday, November 12, 2006

Citation du 13 novembre 2006

Définition - Le hasard est la rencontre de deux séries causales indépendantes. Cournot

Définition - Le destin, [selon les stoïciens], c’est la solidarité des causes. Gilles Deleuze

Le hasard supprime l’idée de cause : comme tel, on ne peut rien en dire ; il peut néanmoins être décrit comme la rencontre de deux séries causales indépendantes. L’exemple classique est celui de la tuile qui tombe du toit sur la tête du passant : celui-ci n’était pas là par hasard - admettons qu’il passait tous les jours à cet endroit pour aller à son travail. La tuile ne tombe pas par hasard non plus : le vent soufflant en tempête ce jour-là suffit à expliquer sa chute. Le hasard, c’est la rencontre d’une série causale sociologique - la présence du passant - et d’une série causale météorologique - la tempête - rencontre qu’on ne peut justifier de quelque façon que ce soit.

Peut-être dira-t-on qu’on n’a fait que reculer le hasard d’un cran : le mot s’applique alors l’interférence des causes. Soit. Ceux qui ont voulu exclure le hasard ont justement exclu l’indépendance des causes : cf. la définition du destin selon les stoïciens, que synthétise Gilles Deleuze. On apprend ainsi qu’il y a une condition de possibilité au hasard : il implique une certaine vision de la nature, qui la fragmente en régions indépendantes. A l’inverse, voyez l’astrologie : pour elle, tout se tient et il y a un rapport entre ce qui se passe dans le ciel et ce qui se passe dans la vie individuelle.

Nous avons beaucoup de mal à admettre l’existence du hasard : est-ce parce que nous croyons à l’unité de la nature ? Mais peut-on sérieusement croire que tout le monde ait une philosophie de la nature ? Personnellement, j’en doute. En revanche, tout le monde veut que ce qui lui arrive ait un sens, et pour cela il ne faut pas que le hasard existe. Voyez l’homme qui a eue la vie sauve parce qu’il raté l’avion qu’il devait prendre et qui s’est « craché ». On dira : « Celui-là, c’était pas son heure… ». Comme si quelqu’un ou quelque chose avait décidé de l’heure de sa mort et que sa survie, n'étant pas le fait du hasard, signifiait quelque chose… Mais là encore, je ne dirais pas qu’il s’agit seulement de superstition, de croyance irrationnelle, de foi dans un ange gardien. Je crois qu'on refuse que ça n’ait pas de sens, parce qu'alors notre mort serait en événement accidentel, comme le tirage des boules du loto. Et ça voudrait dire que notre vie elle-même est contingente.

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