Thursday, February 01, 2007

Citation du 2 février 2007

Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal

Eros et Thanatos, désireux de se réconcilier, se sont unis et ils ont engendré un fils. C’est ainsi que naquit Charles Baudelaire.

Il y a deux façons d’unir l’amour et la mort : de façon idéalisée comme chez Goethe (dans les affinités électives on meurt d’amour sans même avoir besoin de se suicider comme le jeune Werther). Ou bien avec perversité comme le fait Baudelaire unissant dans un même poème les jambes en l’air de la femme lubrique est le ventre putride de la charogne. Le vice et la vertu sont ainsi mobilisés pour le même combat : nous mener au-delà de nos limites, faire exploser l’expérience du vécu quotidien.

C’est Bataille qui a le mieux expliqué cette liaison de la lubricité et de la mort, sous le sceau du désir d’infinité (1), défini comme exigence d’excès. L’érotisme est, comme la religion le désir de franchir les limites de l’humain ; mais alors que l’expérience fusionnelle et mystique est le signe du divin, la jouissance et la souffrance est celui d’Eros. Ce sont des expériences strictement impensables et dissolvantes, qui conduisent au-delà des limites de la vie quotidienne.

Il y a deux sortes de limites, et donc deux types de ruptures, toutes deux réalisées par l’érotisme : la rupture est ascendante dans l’idéalisation de l'amour et de la mort (Goethe) ; et la rupture est descendante avec la souillure, le sang, l'amour et la mort matérialisés (Baudelaire). Le vice et la lubricité nous font ainsi franchir nos limites, grâce aux expériences sulfureuses du sexe et de la souffrance (le sado-masochisme étant ici uni à la sexualité comme expérience des limites).

Baudelaire montre que la fascination pour l’horreur relève de ce double mouvement : chercher à rompre les bornes de la vie quotidienne. L’horreur que nous éprouvons pour un spectacle se double alors de l’horreur que nous éprouvons pour nous-mêmes jouissant de ce spectacle.

Au fait, vous avez regardé la vidéo de la pendaison de Saddam Hussein ?


(1) Bataille joue sur l’ambiguïté de l’infini comme absolu et comme infini (l’apeiron des grecs)


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