Tuesday, March 13, 2007

Citation du 14 mars 2007

Qui ne reculerait d'horreur et ne choisirait la mort, si on lui offrait le choix entre mourir et redevenir enfant!

Saint Augustin La Cité de Dieu (420-429)

Comment comprendre cette phrase de Saint Augustin, alors que pour nous tous - et pour l’Eglise aussi - l’enfant est le symbole de l’innocence et de la pureté ? Qui de nous souscrirait à cette affirmation ?

C’est Elisabeth Badinter qui a attiré notre attention sur ce fait (1) : l’enfance n’a pas toujours été valorisée comme le moment de l’innocence et de la pureté ; dans les temps anciens, on l’a longtemps vue au contraire comme le moment du péché, des passions sans contrôle, de l’absence de raison (2). Avant l’âge de raison, l’enfant est considéré un petit animal ; après l’âge de raison, il est un adulte en miniature.

L’enfant est un pervers disait Freud (voir citation du 27 octobre 2006) et il ajoutait que c’était un stade normal du développement de la sexualité, et de la personnalité. Il est donc tout à fait inutile de s’en offusquer comme on peut supposer que le fait saint Augustin. Mais il est tout aussi inutile de survaloriser cette époque de la vie, comme si elle contenait le trésor de l’humanité, comme si chaque jour qui passe, nous faisait perdre quelque chose d’essentiel en nous éloignant un peu plus de notre enfance.

Il faut sans doute remonter à Rousseau pour retrouver l’origine de cette valorisation : l’enfant qui vient de naître est tel que la nature l’a fait : il est aussi parfait qu’un être humain peut l’être ; et si l’on peut le préserver de la corruption de la civilisation, alors l’essentiel est sauvé (3). Mais si l’enfant est pur, il est aussi vierge, au sens où la tablette de cire est vierge : rien n’y est inscrit. L’enfant doit devenir autre que ce qu’il est, parce que l’être humain est strictement cela : un devenir. On a raison de stigmatiser les mères qui voudraient que leur enfant reste indéfiniment un enfant pour pouvoir le conserver. Outre leur égocentrisme, leur faute est de vouloir préserver ce qui ne doit pas l’être.

Mais que dire alors des adultes qui regrettent indéfiniment leur petite enfance ? A-t-on inventé le Paradis perdu pour autre chose que pour symboliser ce regret ? Et Peter Pan ? Et Oscar, le nain du Tambour de Günter Grass ?

(1) Voir l’Amour en plus, édité en Champs-Flammarion.

(2) Déjà Platon condamnait la pédophilie comme le fait de perdre son temps en se consacrant à un enfant dont on ne sait pas s’il va devenir en grandissant bon ou mauvais.

(3) En écrivant Emile, Rousseau décrit l’éducation d’un enfant de 3 à 20 ans : il ne s’agit pas de réformer le monde, mais de rendre Emile incorruptible dans une société corrompue.

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