Friday, January 25, 2008

Citation du 26 janvier 2008

Si comme la vérité, le mensonge n'avoit qu'un visage, nous serions en meilleurs termes. Car nous prendrions pour certain l'opposé de ce que diroit le menteur. Mais le revers de la vérité a cent mille figures et un champ indefiny.

Montaigne - Essais

Suffit-il de savoir qu’on nous ment pour connaître la vérité ? Montaigne répond « non ».

Selon l’apparence, Montaigne fait l’impasse sur les questions fermées (du genre : « As-tu rencontré X hier ? ») : le menteur répond « oui » ; s’il on descelle son mensonge, on sait bien sûr automatiquement la vérité.

Par contre, les questions ouvertes (du genre : « Qu’as-tu fait hier ? ») correspondent à ce que dit Montaigne, et qu’on peut résumer par l’aphorisme médiéval : la vérité est unique ; l’erreur est multiple.(1)

Tout ceci relève de l’évidence. Mais comme toujours, ce qui importe, c’est ce qu’on fait avec l'évidence. Finalement, j’en arrive à me dire que la vérité, contrairement à ce qu’en disent les philosophes, n’est pas si désirable que ça. Peut-on aimer la vérité ? Que la vérité est monotone ! C’est toujours la même chose ! On comprend que l’inventeur de merveilles, s’il peut faire croire qu’elles sont des vérités, soit recherché plus que le savant.

Alors, certes, celui qui découvre la vérité, peut bien éprouver ce fourmillement psychologique qui accompagne l’excitation de la découverte. Mais après, quel ennui !

Au fond c’est ça qui nous pousse vers l’opinion la plus fantastique : l’imprévu, l’incroyable. Nietzsche pensait que c’était l’amour de la sécurité qui nous conduisait à aimer et à rechercher la vérité. Il avait raison. Mais il aurait dû admettre aussi que beaucoup recherchent aussi l’imprévu, la nouveauté, donc aussi le mensonge.
Voyez le succès de certains charlatans, qui annoncent la fin du monde imminente, ou bien qui prétendent que les extraterrestres sont parmi nous. Commente expliquer la crédulité du public ? Est-il si bête que n’importe qui puisse le leurrer ? Ou bien donne-t-il raison à celui qui le fait rêver ?

Demandez à nos hommes politiques : ils savent ça eux.

(1) Voir Post du 20 juillet 2006. Bien entendu, ce que Montaigne dit du mensonge est vrai aussi de l’erreur.

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