Sunday, February 17, 2008

Citation du 17 février 2008

Un cuisinier, quand je dîne / Me semble un être divin / Qui du fond de sa cuisine / Gouverne le genre humain.

Antoine Désaugiers


On retrouve ici la thèse de Günter Grass dans le Turbot : la cuisine n’est pas simplement un art, c’est un pouvoir. Celui qui règne dans la cuisine, règne aussi sur ceux qui en mangeront.

Faut-il prendre au sérieux cette approche ? N’y a-t-il pas d’autres motifs pour cuisiner ?

- Le plus fréquent consiste à dire que cuisiner, c’est nourrir, et que l’on assume ainsi le rôle que la nature a dévolu aux femmes d’allaiter les petits.

Voyez les « Mères », celles qui ont fait le renom de grands restaurants ; n’ont elles pas des bras comme des jambons et une poitrine qui fait penser à une vache normande ? Conformément au destin de tous les mammifères, la mère est dévorée pas ses petits : alors autant qu’il y ait de la substance.

Mais je m’égare, pardonnez-moi.. . (1)

- On dit aussi que la cuisine est un art, qu’elle exprime le génie d’une civilisation - à moins qu’on ait affaire à la cuisine anglaise.

Mais tout ça, c’est très compliqué, et ce n’est pas sûr qu’on ait quelque chose de définitivement pertinent à en dire. En tout cas, les grand chefs (genre Bocuse) disent tous que dans la cuisine, tout l’art consiste à ce que les plats aient le goût de ce qu’ils contiennent. Et pourtant Rousseau critique la cuisine française en prétendant que son raffinement résulte du caractère immangeable de ce qu’elle contient (comme ce poisson japonais qui, s’il n’est pas bien préparé se révèle être un poison mortel). Mais Rousseau était genevois : qu’est-ce qu’il comprenait de la cuisine française ?

- Reste peut-être l’essentiel : la cuisine est un art de la séduction. Celui qui cuisine s’efforce de cuisiner pour quelqu’un de précis - du moins, le fait-il selon l’idée qu’il s’en fait. On cuisine pour le plaisir de ceux qui mangeront et le pire est le convive qui grimace ou qui laisse son assiette pleine. Même dans un restaurant courant, le serveur qui reprend une assiette à moitié pleine tâche de savoir pourquoi le plat n’a pas été apprécié.

Quand on dit qu’on cuisine pour des amis, on veut dire que c’est simplement plus facile : on connaît leurs goûts. Mais il est probable qu’on cuisine aussi pour se faire des amis.

…Se faire des amis, voilà une façon plutôt sympathique de décrire le pouvoir de la cuisine.


(1) Car en effet, la Mère Poulard : elle n’est pas obèse…


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