Friday, February 22, 2008

Citation du 21 février 2008

J’ai pétri de la boue et j’en ai fait de l’or
Charles Baudelaire - Correspondance

Que peut la poésie ? Cette question est oiseuse si on cherche à la résoudre en parlant des petits oiseaux ou des roses à peine écloses… Par contre, si on cherche ce que la poésie fait avec les sujets les moins « poétiques » - le sexe féminin par exemple, là c’est déjà plus sérieux.
Comparez donc ces deux poèmes, parmi les plus connus :
Et sous le voile à peine clos / Cette touffe de noir jésus /Qui ruisselle dans son berceau / Comme un nageur qu'on attend plus /C'est extra c'est extra - Paroles et musique de Léo Ferré 1969
2 - Et ce texte – que je considère comme un poème en prose – d’Aragon, le Con d’Irène (1)
Et maintenant, salut à toi, palais rose, écrin pâle, alcôve un peu défaite par la joie grave de l’amour, vulve dans son ampleur à l’instant apparue. Sous le satin griffé de l’aurore, la couleur de l’été quand on ferme les yeux. Louis Aragon – Le con d’Irène
Je ne décrirai pas les métaphores dont regorgent ces textes : il ne s’agit pas de déflorer (!) une poésie qui doit se ressentir avant de se comprendre.
Je dirai simplement que toute la force de la poésie est justement de maintenir ensemble la grandeur des intuitions poétiques et la précision de l’évocation. On s’est beaucoup moqué et à juste titre de cette préciosité qui commandait d’évoquer les réalités prosaïques par des périphrases qui en rendait l’accès obscur et qui finissait par tourner au ridicule (Hugo se moquant des « longs fruits dorés » en lieu et place de la médiocre poire).
Voyez donc chez Léo Ferré, l’image développée, comment tout en étant éloignée de son objet, elle n’en reste pas moins d’une précision absolue : c’est un sexe en action qu’on évoque.
Et Louis Aragon : le titre volontairement provoquant de son texte est démenti par l’élévation des images ; oui mais l’absolue précision de la description anatomique en fait un texte qui pourrait servir à l’éducation sexuelle.
La poésie peut donc transformer en extase littéraire ce qui ne serait sans elle que borborygme pornographique.

(1) Tout le monde connaît le titre, mais l’a-t-on lu ? Le voici donc.

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