Monday, September 29, 2008

Citation du 30 septembre 2008

Ce qui, probablement, fausse tout dans la vie, c’est qu’on est convaincu qu’on dit la vérité parce qu’on dit ce qu’on pense.
Sacha Guitry

Je suis d’accord avec Guitry : ça veut dire je pense comme lui ?
Mais non : c’est lui qui pense comme moi. D’ailleurs, que je pense ce que je pense me suffit amplement : qu’ai-je à faire de l’opinion des autres ? C’est mon opinion et je la partage… (1)
Il est facile – trop facile – de rappeler les ridicules émissions de radio où des « vrais gens » disent leur opinion sur tel ou tel sujet d’actualité, et quand ils sont pris en flagrant délit de bêtise, paraissent tout surpris : ne leur suffisait-il donc pas de dire ce qu’ils pensaient ?
Pour ancrer cette confusion entre la vérité et la certitude dans une référence philosophique, évoquons les sophistes de Platon qui, dialoguant avec Socrate, se fâchaient d’être mis dans l’embarras par les questions du vieux sage. Ils tenaient à leur opinion plus qu’à la vérité, et ils en voulaient à Socrate de les contraindre à y renoncer, parce qu’il leur semblait qu’alors ils renonçaient à une part d’eux-mêmes.
Rappelons aussi pourquoi les philosophes s’entêtent à disqualifier l’opinion, alors même que son libre exercice est considéré comme une liberté fondamentale.
Ce qui est en cause, c’est le statut de la vérité. Comme le dit si justement Sacha Guitry, la vérité m’apparaît d’abord comme étant ce que je pense. La vérité, commence par être un état affectif dans ma conscience : j’adhère à son évidence, je sens que c’est vrai, je serais étonné et déçu si on me détrompait. Dire la vérité, c’est toujours à la première personne que ça se conjugue. Contre quoi, les esprits rationnels diront que le monde ne va pas comme je veux mais comme il veut. Et que, dans un second temps, la vérité n’est rien d’autre que sa vérification (Bachelard).
- Oui, mais tout ça, c’est bon en théorie, pas en pratique. La vérité, c’est aussi ce pour quoi je veux me battre, elle est l’expression même de ma nature, bref la vérité c’est l’authenticité de mon engagement. Et c’est ça aussi qu’on appelle « opinion ».
Et j’applaudirai : mais je ne vois plus en quoi la vérité est concernée par cette conception de l’opinion.
Les communistes d’autrefois avaient sans doute mille fois raison de dire que la révolution était l’espoir de l’avenir. Mais c’est quand ils disaient qu’elle était la vérité du mouvement de l’histoire qu’ils se trompaient, et aussi quand ils condamnaient comme penseurs bourgeois ceux qui en doutaient.
Et ils se trompaient plus encore quand ils affirmaient que le camarade Staline était le libérateur du prolétariat…



(1) Citation de Henri Monnier, Mémoires de M. Joseph Prudhomme

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