Thursday, November 27, 2008

Citation du 28 novembre 2008

Le bonheur pour tous – Leçon 1

Le plaisir d’être ; ce plaisir oublié, ignoré même de tant d’aveugles humains ; cette pensée si douce, ce bonheur si pur, je suis, je vis, j’existe, pourrait seul rendre heureux, si l’on s’en souvenait, si l’on s’en réjouissait, si l’on en connaissait le prix.

Madame de Graffigny – Lettres d’une péruvienne (1747) – Lettre XLI (éd. GF-Flammarion page 167)

je suis, je vis, j’existe : Madame de Graffigny va-t-elle nous refaire le coup du cogito ? (1)

Mais, non, parce que pour Descartes il ne s’agit pas de dégager le principe du bonheur mais celui de l’être et de la vérité.


« Le plaisir d’être » : voilà le seul plaisir absolument total, absolument permanent, le plaisir qui ne sature jamais, qui ne coûte jamais le moindre argent, ni d’effort spécial. La plaisir de respirer, de sentir son cœur battre, et de mouvoir son corps ; de vivre physiologiquement.

Tel était le plaisir épicurien, du temps où l’en entendait encore les principes d’Epicure.

Mais pourquoi donc les humains sont-ils si aveugles, qu’ils recherchent sans jamais le trouver ce qu’ils ont sous la main ?

Zilia, la péruvienne mise en scène par madame de Graffigny, participe du mouvement de retour à la nature bien connu grâce à Rousseau. La nature nous a tout donné, la vie, les ressources suffisantes pour l’entretenir, et le plaisir – on dirait même le bonheur. Oui, il y a un bonheur simple et naturel, dont chacun, riche ou pauvre peut jouir. Ce bonheur, c’est celui de vivre.

Toutes fois, il est un peu plus difficile pour un riche d’y accéder que pour un pauvre. C’est que le riche va partir à la conquête de plaisirs plus artificiels, donc plus difficiles à acquérir et à conserver.

Car dès que nous espérons d’autres plaisirs que ceux qui sont offerts en permanence par la nature, nous perdons la faculté de les ressentir. Quel plaisir de se nourrir, si nous voulons spécialement l’excitation des mets épicés ? Que devient le plaisir de respirer l’air embaumé du printemps si nous recherchons la fragrance des parfums artificiels ?

Inutile de multiplier les exemples. L’idée simple et utile tient toute entière dans cela : ce qui nous manque, ce n’est pas d’être heureux, mais de savoir que nous le sommes.


(1) « …cette proposition : Je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit. » Descartes – Méditations métaphysiques (Méditation seconde)

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