La photographie acquiert un peu de la dignité qui lui manque, quand elle cesse d'être une reproduction du réel et nous montre des choses qui n'existent plus.
Marcel Proust – A l'ombre des jeunes filles en fleurs
Curieuse citation : si nous n’en avions que le début, nous pourrions la considérer comme à la fois exacte et banale : La photographie acquiert un peu de la dignité qui lui manque, quand elle cesse d'être une reproduction du réel.
Les choses se gâtent quand nous lisons la suite : et nous montre des choses qui n'existent plus. Car nous comprenons que pour Proust la photographie n’est jamais qu’une reproduction du réel, mais que celui-ci disparaît alors qu’elle subsiste. La photo de mariage de la grand-mère, le portrait du bébé joufflu que nous avons été.
Et nous voici replongé dans une vieille, très vieille histoire de la photographie, elle qui à ses débuts a été considérée comme un enregistrement mécanique de la réalité. On espérait même acquérir une image de la réalité objective, débarrassée de notre subjectivité. La photo aurait été capable de nous dire comment sont les choses quand nous avons le dos tourné et que nous ne sommes plus là pour les regarder !
On s’étonne qu’au début du 20ème siècle Proust en soit encore à imaginer que la photo n’ait d’autre réalité que celle-là. Mais après tout, c’était sans doute une certitude bien enracinée : puisque la photo est liée à un appareillage technique, alors la créativité humaine n’y a pas sa place – d’autant que les appareils photos de l’époque ne facilitaient sûrement pas la chose.
Mais, si nous sourions à la naïveté de ce jugement de Proust, prenons bien garde de ne pas le partager en silence. Regardons nos photos prises il y a quelques années, sur la plage avec nos adorables mouflets. Comme ils ont grandis ! Et cette nana super-canon ? Mais c’est notre adorable épouse ! Ou plutôt, c’était…
No comments:
Post a Comment