Monday, August 17, 2009

Citation du 18 août 2009

S'il n'y avait en Angleterre qu'une religion, le despotisme serait à craindre ; s'il y en avait deux, elles se couperaient la gorge ; mais il y en a trente, et elles vivent en paix et heureuses.

Voltaire – Lettres philosophiques

Voilà comment se justifie la laïcité anglo-saxonne : la paix civile repose sur la multiplicité des religions : plus il y en a et plus l’espace de la vie civile sera neutre.

Notons donc l’essentiel : cette laïcité ne dépend pas – ou pas seulement – des lois imposant la tolérance, mais bien de l’existence des religions elles-mêmes.

Quand Voltaire accompagnait sa signature de l’injonction e.i. (= écrasons l’infâme), ce qu’il visait c’était le fanatisme de la religion catholique qui avait éliminé toute autre forme de religion en France à commencer par le protestantisme.

Une seule religion, c’est le despotisme parce que le pouvoir politique et le pouvoir religieux vont se confondre

Que deux religions coexistent et sans que le pouvoir politique ait à s’en mêler elles vont déclencher les plus horribles des guerres, les guerres religieuses qui sont aussi des guerres civiles.

Trente religions, et voilà la paix assurée sans que le pouvoir politique ait à s’en soucier, parce qu’aucune d’entre elle n’ayant l’espoir de dominer les autres ne cherchera à les détruire. Voltaire pense ici à l’Angleterre et ses multiples sectes protestantes, mais on cite souvent aujourd’hui le cas de l’Inde, où la pluralité des religions apparaît comme une évidence, troublée par des massacres seulement quand deux d’entre elles se battent pour la suprématie.

Le problème qu’on se pose à l’époque de Voltaire concernant les religions n’est pas celui de la désacralisation du pouvoir, comme ce sera le cas avec la révolution française (1) ; il est celui de la tolérance quand à la pratique du culte. Et tolérer le culte des autres, c’est ne pas les empêcher de le pratiquer, et rien d’autre.

On voit combien la laïcité française est éloignée de ce modèle (n’oublions pas que Voltaire, quoique proche des mouvements qui porteront la révolution, ne cherche pas un nouveau modèle politique : il a celui de l’Angleterre et il le trouve fort satisfaisant). Il s’agit de définir une sphère civile rigoureusement distincte de la sphère religieuse. Au lieu de compter sur le nombre des religions pour se neutraliser mutuellement, on va pour habiter cette sphère inventer un homme nouveau, un homme a-religieux, un homme universel.

Inventer l’homme nouveau, c’est strictement ce que cherchent à faire toutes les révolutions.

Et ça loupe à tous les coups.


(1) Pas tant que ça d’ailleurs : cf. le culte de l’Etre suprême.

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