Friday, September 11, 2009

Citation du 12 septembre 2009

Je choisis un époux avec des yeux de mère.

Pierre Corneille –Rodogune Acte II, scène III

On le sait déjà : Corneille, est le maître de ces formules ambiguës, qu’on peut comprendre en plusieurs sens (voir par exemple celle-ci)

On peut donc lire cette citation de trois façons :

- Ou bien Cléopâtre explique qu’elle doit choisir un (nouvel) époux suffisamment puissant pour protéger ses enfants ;

- Ou bien il s’agit d’une femme d’âge déjà mûr qui explique que son futur mari sera en même temps l’enfant qu’elle aurait voulu choyer ;

- Mieux – ou pire – on est dans le complexe de Jocaste, qui cherche dans le mariage à satisfaire un désir incestueux.

Bien entendu, le contexte ne laisse pas de doute : c’est le premier sens qui doit être retenu.

… Quoique… Si cette citation nous intéresse encore, ou même, si elle nous intrigue seulement, c’est bien parce que ces autres sens viennent se superposer au premier.

--> Et si nous désirions en secret retrouver dans les relations amoureuses les émois qui ont été les premiers de notre vie ?

Qu’une femme ait envie de bercer son mari – ou d’être bercée par lui ; qu’un homme ait envie de s’endormir dans le giron de sa femme : quoi d’exceptionnel ? Ne voit-on pas nos petits animaux de compagnie retrouver près de nous le comportement du bébé chat ou du bébé chien (1) ?

Maintenant, il faut dire que Cléopâtre – dans l’interprétation qui est la nôtre aujourd’hui – va jusqu’au bout du fantasme : il s’agit de choisir un époux en tenant compte de ce fantasme. On assume donc la régression, au lieu d’en refouler la représentation, quitte à la satisfaire sans y penser.

Bon. Que vous ne soyez pas d’accord avec cette interprétation ne me trouble pas. C’est qu’il y a plusieurs fantasmes à l’œuvre dans la vie amoureuse, et qu’il ne sont pas tous cohérents entre eux.

Exemple ? On dit que les femmes sont plus attentives au fessier de l’homme qu’à tout autre partie de son anatomie. Ce ne sont pas les yeux de la mère qui sont ouverts ici. Ou alors c’est la future mère, attentive à l’énergie du coup de rein capable de propulser la semence mâle au fond de sa matrice (2).


(1) Les amis des chats dont je fais partie vous le diront sans doute : le ronronnement du chat adulte est un phénomène qui dans la nature ne se produit pas, étant spécifique au chaton qui tête sa mère. L’animal domestique régresse dans la compagnie de l’homme, et j’ai vu mon chat – adulte évidemment – téter les poils du tapis de la salle de bains.

(2) Choqué(e) ? Sachez que je n’aurais jamais écrit une chose pareille si Diderot ne l’avait fait avant moi : voyez ceci (note 1)

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