Tuesday, October 06, 2009

Citation du 7 octobre 2009

[...] comme la religion va de la statue à la théologie, ainsi la pensée va de poésie à prose.

Alain – Propos de littérature

De la statue à la théologie on va de la foi à l’intellection. La pensée comme la religion serait donc mouvement qui va de l’émotion à l’abstraction.

Le religion est un mouvement qui va d’un pôle à l’autre : une religion qui serait confinée dans la dévotion aux statues des saints, ne connaîtrait que la foi du charbonnier, à la limite de la superstition. Et si elle ne connaissait que les disputes des théologiens, elle admettrait en son sein bien des incrédules.

De même, une pensée qui se limiterait à la poésie serait une pensée sans contours. Et limitée à la prose elle resterait sans rapport au réel – du moins celui qui ne nous apparaît que dans nos sensations et les expériences vécues.

Bien sûr, la poésie dont nous parlons est celle qui embrase l’imagination, et non celle qu’on écrit en compulsant un dictionnaire de rimes, celle qu’on mesure en pieds ou qu’on traque à la césure. Il y a bien de la poésie dans la prose et le professeur de philosophie de monsieur Jourdain les oppose sans doute pour ne pas compliquer à l’excès les choses, afin d’être compris par son piètre élève.

Mais alors, ne devrait-on pas s’étonner devant le style des philosophes : bien souvent ils écrivent comme des pieds (ou des savates), la plupart se bornant à assurer la clarté de leurs écrits.

Et je supposerai qu’en philosophie, la poésie fait obstacle à la clarté : j’en veux pour preuve non seulement Lacan, mais aussi Nietzsche – et bien sûr Heidegger. Pourtant nul ne peut nier que leur apport ne soit d’une richesse et d’une spécificité réelles. Traduisez Lacan en langue profane, est-ce que vous ne perdez pas quelque chose au passage ?

Reste peut-être l’essentiel : pour Alain, la pensée est mouvement. La pensée, c’est ce qui prend son envol quand on a refermé le livre, quand les yeux fermés, on refait le chemin qu’on vient de parcourir guidé par l’auteur, et qu’on le prolonge pour son propre compte.

Et alors la pensée va de prose à poésie.

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