L'État est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s'échappe de sa bouche : "Moi, l'État, je suis le peuple."
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra Prologue – De la nouvelle idole (1)
Ich, der Staat, bin das Volk…
Et voilà l’une des citations les plus célèbres de Nietzsche, une dénonciation de l'État qui permet aux gens pressés d’enrôler Nietzsche sous la bannière des anarchistes !
Anarchiste, Nietzsche ? lui qui écrit quelques lignes plus bas : Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus !
L’Etat est le monstre qui détruit les peuples en détruisant leurs valeurs, celles qui ont été inventées par les héros qui les ont rassemblés. Plus de peuple pour l’Etat, mais seulement une masse humaine animée par le désir de jouissance et le souci de la sécurité.
L’Etat, entendez la démocratie (2) est ce qui tue l’aspiration à se dépasser soi-même, et qui donne bonne conscience de le faire.
La bonne conscience n’est pas en soi une faute. La faute est d’y accéder par le mensonge de l’Etat. Car ce mensonge nous fait croire que la vie – la vraie vie – consiste à jouir passivement des plaisirs, identiques pour tous et apportés uniformément à tous (par l’argent).
Mais voici un autre mensonge, celui qui devrait nous éveiller aujourd’hui encore : le mensonge de l’Etat est de se faire passer pour la civilisation, en enrôlant sous sa bannière les hommes qui ont encore de la valeur, ceux qui ne sont pas des hommes superflus, – ceux qui devraient guider le peuple vers le Surhomme (3), mais qui en réalité orientent son regard vers les jouissances offertes par l’Etat.
Il est sans doute abusif de ramener toutes les époques et tous les horizons à la même position ; mais n’y a-t-il pas aujourd’hui, une nouvelle la trahison des clercs ? (4) Une trahison qui s’appelle pragmatisme ?
En tout cas, elle apparaît bien pour Nietzsche sous la forme de l’adoration de l’idole qui s’appelle Etat – adoration de la puissance et du pouvoir.
Ça en tout cas, ça marche encore aujourd’hui.
(1) À lire ici dans une traduction un peu ancienne. À écouter ici en audio livre. À retrouver dans l’édition bilingue Aubier-Flammarion p. 127
(2) La démocratie principalement, mais pas seulement : le populisme d’aujourd’hui en ferait tout autant
(3) Dernière phrase du passage : Là où finit l’État, – regardez donc, mes frères ! Ne voyez-vous pas l’arc-en-ciel et le pont du Surhomme ?
(4) À télécharger ici.
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