Tuesday, December 08, 2009

Citation du 9 décembre 2009

Homme libre, toujours tu chériras la mer! / La mer est ton miroir; tu contemples ton âme / Dans le déroulement infini de sa lame, / Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

Charles Baudelaire L'Homme et la Mer

Après avoir embarqué avec Aristote sur une mer incertaine (voir Post d’hier), nous voici à la contempler avec Baudelaire.

Et ça vaut encore le voyage, car si nous avons vu hier la mer comme le domaine de l’incertitude, elle devient aujourd’hui mon miroir et celui de l’humanité.

Notez toutefois que la référence grecque n’est pas encore très loin : si la mer est notre miroir elle doit être aussi notre plus chère amie (toujours tu chériras la mer !) parce que c’est l’ami qui est le miroir de notre âme – comme le dit Aristote (1).

En lecteur un peu dilettante, je grappillerai dans le poème de Baudelaire deux points de rencontre entre l’homme et la mer : la mer recèle dans ses profondeurs d’insondables mystères ; elle est dans ses fureurs une tueuse impitoyable.

Et ces deux points se rejoignent dans l’étrange peur que notre propre humanité produit en nous. Car si l’homme est comme la mer pétri de menaces et d’insondables mystères, il est évident que cet homme c’est d’abord moi. Si j’ai peur de la mer, c’est que je suis comme elle, que comme elle je peux me révéler monstre impitoyable. Si la mer me fascine c’est qu’elle reflète mon propre mystère.

C’est cette fascination qui me paraît la plus intéressante ici : plutôt que de chercher comme Socrate à me connaître moi-même, ne vaut-il pas mieux comme Baudelaire accueillir ce mystère et en jouir comme on jouit de profondeurs rêvées de la mer ?

Car le mystère – oui, c’est ça : le mystère – c’est ce qui fait rêver.


(1) Aristote – Les grands livres d’éthique, chapitre XI (Ed. Arléa)

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