Tuesday, February 16, 2010

Citation du 17 février 2010

Je crois en Dieu, quoique je vive très bien avec les athées. Je me suis aperçu que les charmes de l'ordre les captivaient malgré qu'ils en eussent ; qu'ils étaient enthousiastes du beau et du bon, et qu'ils ne pouvaient, quand ils avaient du goût, ni supporter un mauvais livre, ni entendre patiemment un mauvais concert, ni souffrir dans leur cabinet un mauvais tableau, ni faire une mauvaise action.

[…] Il est donc très-important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu

Diderot – Lettre à Voltaire du 11 juin 1749 (C’est moi qui souligne Cette lettre répond à une lettre adressées de Voltaire. On peut lire la lettre Voltaire, ainsi que l’intégralité de la réponse de Diderot ici)


Ne pas prendre la ciguë pour du persil, ça compte (demandez plutôt à Socrate) ; par contre il importe peu de croire ou de ne pas croire en Dieu. Telle est donc la thèse de Diderot, qu’il développe ainsi :

- ce qui est très important, c’est de vivre avec nos concitoyens, de discuter raisonnablement avec eux du beau et du bon, ainsi que des livres, de la peinture et de la musique. Que l’on soit croyant ou athée, il faut de toute façon être également gens de bonne compagnie, évidemment respectueux des lois de la république, mais surtout capable de discuter politique, cinéma ou gestion du FMI. Après qu’on fasse sa prière à Jésus Christ, à Jéhovah ou à Allah – ou qu’on refuse de se prosterner aux pieds d’un Etre Suprême – n’importe plus guère. (1)

Disons-le plus nettement encore : selon Diderot, le vivre-ensemble est plus important que le vivre-avec-Dieu. Qu’importe – non pas notre religion, mais bien que nous soyons athée ou croyant ; ce qui compte c’est seulement comment nous vivons les uns avec les autres.

--> Voilà donc une façon très énergique de poser le critère de la laïcité.

En effet, partout où l’être-avec-Dieu l’emporte sur le Vivre-ensemble, la laïcité est perdue.

Prenez la discussion sur le port de la burqa. On pourrait dire ceci :

- Si, comme on nous l’assure, la burqa n’est pas un symbole religieux, alors on peut l’autoriser, tout comme on laisse circuler la mini-jupe qui n’a pas non plus de valeur dans une religion quelconque.

- Toutefois, le vêtement étant, en dehors de la protection contre le froid, le vent, le soleil, etc., une manière de vivre ensemble, alors on doit en le choisissant tenir compte de son effet sur les autres. Si donc la burqa empêche le vivre-ensemble de la femme qui la porte, alors il faut l’interdire. A contrario, c’est bien ce qu’on observe en Afghanistan, où la femme porte la burqa pour être acceptée par les hommes qui la côtoient dans la rue.

Si donc nous-mêmes nous acceptions la burqa, ce ne pourrait être que pour dissimuler une femme trop laide pour qu’on puisse la laisser paraître dans la rue.

Bien sûr, les messieurs très laids devraient aussi en mettre une. (2)


(1) On peut se reporter aussi à Descartes, Discours de la méthode 3ème partie où il explique que la morale est affaire d’opportunité : ne pas mettre les diverses morales en compétition, mais adopter celle qui est admise dans le pays où l’on vit.

(Descartes aurait-il mis une burqa à sa femme ? Oui, s’il en avait eue une (= une femme) et s’il avait vécu dans un pays mahométan.)

(2) Pour simplifier, nous n’avons pas tenu compte du hold-up perpétré récemment par des malfaiteurs dissimulés sous des burqas et qu’on avait du coup laissés entrer sans méfiance dans la banque.

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