- Voulez-vous voir la vérité ? Tournez le dos à la multitude.
Antoine Sabatier de Castres – Pensées et observations morales et politiques – Ed de Vienne 1794 Livre I Ch.1 p.16
Ce qui peut intéresser dans cette citation, c’est la mise en évidence de l’inconscience de l’erreur. (Lire le texte en annexe)
Quand tous marchent vers l'erreur nul ne parait y marcher : autrement dit, quand l’erreur est commune, on croit être dans le vrai. Et d’ailleurs c’est pour cela qu’il faut tourner le dos à la multitude, même si elle va dans le bon sens ; car c’est seulement à ce moment-là qu’on en sera certain.
Si on veut voir comment fonctionne ce mécanisme, qu’on se tourne vers les sectes.
On y trouve en effet des gens super diplômés, des scientifiques ou des spécialistes dans toutes sortes de domaines ; or voilà que tous ces gens se mettent à délirer, tous de la même façon, et à nous raconter des trucs bizarres, dont on ne peut imaginer la bêtise (1). Ce que nous appelons vérité n’est donc parfois rien d’autre qu’un délire partagé et Spinoza ne disait pas autre chose. En tout cas, la conviction commune n’est absolument pas la preuve qu’on soit dans le vrai. Elle nous montre simplement quel rapport nous avons avec l’opinion des autres.
Voilà ce que nous rappelle Sabatier de Castres : ce délire apparaît partout, dès lors qu’il y a une « multitude », que ce soit celle de la foule, du parti politique ou de la bande d’amis ; on pourrait même avancer que c’est ça le signe de la multitude : le partage d’une opinion commune, simplement parce qu’elle est commune.
Le moment de la vérité est celui de la solitude, car c’est le moment où nous confrontons notre opinion à la preuve. Or, le grand nombre n’a jamais constitué une preuve : le suffrage du plus grand nombre établit ce qu’est l’opinion commune, mais pas la vérité. Ça peut paraître antidémocratique ; mais c’est comme ça.
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(1) Si on me trouve excessif, qu’on se rappelle l’histoire de Gilbert Bourdin, le Messie cosmo-planétaire.
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Annexe :
« L'erreur fut et sera toujours le partage du très-grand nombre. Peu d'homme agissent par leur volonté et pensent d'après eux-mêmes. Presque tous se conduisent par imitation ; l'exemple est leur premier maître, et l'habitude, leur raison ; ils regardent sans voir, entendent sans écouter, et ne suivent d'autre guide que la multitude qui les précède ou les environne. Quand tous marchent vers l'erreur nul ne parait y marcher ; il n'y a que celui qui sort de la foule et qui s'arrête qui aperçoive le mouvement insensé des autres. On l'a dit ; mais c'est ici le lieu de le répéter : Voulez-vous voir la vérité ? Tournez le dos à la multitude. »
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