Friday, May 20, 2011

Citation du 21 mai 2011

J'ai fait dans ma jeunesse quatre ans de mathématiques. Mon professeur, M. Lefebvre de Courcy, me demandait un jour : Eh bien, Monsieur, que pensez-vous des X et des Y ? - Je lui ai répondu : c'est bas de plafond.

Victor Hugo – Océan

Eh bien, Monsieur, que pensez-vous des X et des Y ?

Et vous – oui, vous Monsieur, qu’auriez-vous répondu ? Quelque chose comme :

- Ça dépend de la valeur de ces variables.

Bon, voilà qui est finement répondu. Mais ça n’a pas la prestance de la réponse de Victor Hugo.

Car les mathématiques ont été pendant des siècles rangées au rang d’activité gratuite et niaise – plus encore que la philosophie – parce qu’on n’y voyait rien d’autre qu’un jeu stérile de l’esprit s’amusant avec ses propres règles. Quelque chose qui aurait autant d’importance que le Sudoku. (1)

- Les x et les y, c’est bas de plafond, parce que ça ne permet pas de trancher un dilemme moral, ni de dire si l’éducation pour tous est une bonne chose (pour reprendre un exemple sur quel Hugo a beaucoup discouru).

Bien sûr aujourd’hui les mathématiques ont un tout autre statut. Même si l’on laisse de côté leur rôle de sélection dans les études, qui est purement factice, on doit reconnaitre que les mathématiques ont investi pratiquement tous les champs du savoir, et que ceux qui les ignoreraient seraient à présent handicapés, jusque dans des études de science humaine.

Et la question est de savoir si cet investissement par les mathématiques de tous ces domaines a fait « baisser leur plafond », ou bien si on doit réviser leur signification.

Je suis un peu gêné pour répondre à cette question, parce que j’ai fait partie, dans mon jeune temps, de ces handicapés incapables de résoudre un problème mathématique, et que le temps passant les choses ne se sont pas arrangées.

Je dirai donc – sous le contrôle des mathématiciens qui d’aventure me liraient – que les mathématiques sont au moins des pourvoyeuses de structures et qu’elles ne servent pas seulement à traduire sous forme d’algorithmes une pensée générale, mais aussi qu’elles fournissent les transformations qu’on peut lui faire subir. Une sorte de super logique.

On voit que je ne parle pas ici de ce qui pourrait pourtant paraître le plus évident, à savoir qu’on a un instrument qui, en pliant la réalité à des calculs quantitatif, permet de l’anticiper et d’agir dessus.

Parce que c’est peut-être à ça que pensait Hugo en disant : c’est bas de plafond.

----------------------------------------

(1) On aussi peut lire ceci sous la plume de Renan : « La science la plus vide d'objet, les mathématiques, est précisément celle qui passionne le plus, non pas tant par sa vérité que par le jeu des facultés et la force de combinaison qu'elle suppose. La jouissance que procurent les mathématiques est de même ordre que celle du jeu d'échecs. Aucune n'est plus tyrannique. Quand Archimède était appliqué à son tableau de démonstration, il fallait que ses esclaves l'en arrachassent pour le frotter d'huile ; mais lui, il traçait des figures géométriques sur son corps ainsi frotté. » Ernest Renan / L'Avenir de la science, Pensées de 1848

No comments: