La force des lois
dans l’un (= gouvernement monarchique), le bras du Prince toujours levé dans
l’autre (= gouvernement despotique), règlent ou contiennent tout. Mais, dans un
état populaire, il faut un ressort de plus, qui est la vertu.
Montesquieu Esprit
des lois III, 3
La vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est
toujours une chose très pénible. On peut définir cette vertu, l’amour des lois
et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt
public au sien propre, donne toutes les vertus particulières; elles ne sont que
cette préférence.
Montesquieu Esprit des lois IV, 5
Note à l’intention
de ceux qui lisent ce Blog loin de France – Le ministre du budget, Jérôme
Cahusac, a démissionné après avoir été contraint d’avouer qu’il détenait un compte
offshore lui permettant de frauder le
fisc, alors même qu’il devait prendre des mesures pour débusquer et châtier les
fraudeurs. C’est ainsi que la France, non contente d’avoir introduit le loup
dans la bergerie, lui a en plus demandé
de la surveiller.
°
° °
Qu’est-ce qui est le plus étonnant dans ce scandale qui
secoue l’exécutif français ? Qu’un ministre ait un passé trouble ?
Qu’il utilise ses relations pour trafiquer son influence ? Qu’il tire
bénéfice des marchés publics passés grâce à lui ? Qu’il ait fraudé le
fisc ?
Non – Monsieur Cahusac a menti !
« Les yeux dans les yeux, dit le
premier ministre, il m’a affirmé « je
n’ai pas de compte à l’étranger, et je n’en ai jamais eu ! »
Serions-nous entrain de virer à la morale américaine, pour
laquelle le pire reproche qu’on puisse
faire à un homme politique est d’avoir menti aux citoyens ou à la justice
(qu’on se rappelle Bill Clinton qui faillit être destitué pour avoir menti en
niant avoir eu des rapports sexuels avec Monica Lewinsky) ?
Oui, mais : c’est quand même Montesquieu qui a mis
au cœur de la démocratie le principe de vertu. Ne serait-ce pas là l’origine de
cette implication de la morale dans la vie politique ? Un homme capable de
mentir ainsi n’est-il pas en train de ruiner la confiance du citoyen dans les
gouvernants ?
Hélas ! L’expérience nous contraint de dire que les
citoyens français se moquent éperdument de cela. Plus proches de Machiavel que
de Montesquieu, ils veulent bien que les ministres soient de fieffés coquins
(1) à condition seulement qu’ils fassent bien leur travail. Et monsieur Cahusac
faisait, semble-t-il, bien son travail.
Reste que Montesquieu a bien vu le risque qu’il y aurait
à confondre vertu politique et vertu morale. Voici la précision qu’il apporte
dans une note de bas de page :
« Je parle ici
de la vertu politique, qui est la vertu morale, dans le sens qu’elle se dirige
au bien général, fort peu des vertus morales particulières, et point du tout de
cette vertu qui a du rapport aux vérités révélées. » (Montesquieu
Esprit des lois III, 5 (note))
La vertu qui est exigible des hommes politiques est de
veiller à l’intérêt général avant de penser à leur intérêt particulier. Et ça,
il n’est pas sûr du tout que ce fût le cas de monsieur Cahusac.
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(1) On me
contestera peut-être ce point. Cependant, on a tous des noms en tête, de gens
qui, après avoir été inculpés, voire même condamnés, sont revenus en politique
comme si de rien était.
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