Thursday, April 04, 2013

Citation du 5 avril 2013



La force des lois dans l’un (= gouvernement monarchique), le bras du Prince toujours levé dans l’autre (= gouvernement despotique), règlent ou contiennent tout. Mais, dans un état populaire, il faut un ressort de plus, qui est la vertu.
Montesquieu Esprit des lois III, 3
La vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible. On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières; elles ne sont que cette préférence.
Montesquieu Esprit des lois IV, 5

Note à l’intention de ceux qui lisent ce Blog loin de France – Le ministre du budget, Jérôme Cahusac, a démissionné après avoir été contraint d’avouer qu’il détenait un compte offshore lui permettant de frauder le fisc, alors même qu’il devait prendre des mesures pour débusquer et châtier les fraudeurs. C’est ainsi que la France, non contente d’avoir introduit le loup dans la bergerie, lui a en plus demandé de la surveiller.
°
°         °
Qu’est-ce qui est le plus étonnant dans ce scandale qui secoue l’exécutif français ? Qu’un ministre ait un passé trouble ? Qu’il utilise ses relations pour trafiquer son influence ? Qu’il tire bénéfice des marchés publics passés grâce à lui ? Qu’il ait fraudé le fisc ?
Non – Monsieur Cahusac a menti ! « Les yeux dans les yeux, dit le premier ministre, il m’a affirmé « je n’ai pas de compte à l’étranger, et je n’en ai jamais eu ! »
Serions-nous entrain de virer à la morale américaine, pour laquelle le pire  reproche qu’on puisse faire à un homme politique est d’avoir menti aux citoyens ou à la justice (qu’on se rappelle Bill Clinton qui faillit être destitué pour avoir menti en niant avoir eu des rapports sexuels avec Monica Lewinsky) ?
Oui, mais : c’est quand même Montesquieu qui a mis au cœur de la démocratie le principe de vertu. Ne serait-ce pas là l’origine de cette implication de la morale dans la vie politique ? Un homme capable de mentir ainsi n’est-il pas en train de ruiner la confiance du citoyen dans les gouvernants ?
Hélas ! L’expérience nous contraint de dire que les citoyens français se moquent éperdument de cela. Plus proches de Machiavel que de Montesquieu, ils veulent bien que les ministres soient de fieffés coquins (1) à condition seulement qu’ils fassent bien leur travail. Et monsieur Cahusac faisait, semble-t-il, bien son travail.
Reste que Montesquieu a bien vu le risque qu’il y aurait à confondre vertu politique et vertu morale. Voici la précision qu’il apporte dans une note de bas de page :
« Je parle ici de la vertu politique, qui est la vertu morale, dans le sens qu’elle se dirige au bien général, fort peu des vertus morales particulières, et point du tout de cette vertu qui a du rapport aux vérités révélées. » (Montesquieu Esprit des lois III, 5 (note))
La vertu qui est exigible des hommes politiques est de veiller à l’intérêt général avant de penser à leur intérêt particulier. Et ça, il n’est pas sûr du tout que ce fût le cas de monsieur Cahusac.
-------------------------------------------------------
 (1) On me contestera peut-être ce point. Cependant, on a tous des noms en tête, de gens qui, après avoir été inculpés, voire même condamnés, sont revenus en politique comme si de rien était.

No comments: