Amenez le veau gras, et tuez-le. Mangeons et réjouissons-nous.
Evangile de Luc,
chapitre 15, verset 23
On ne fait pas de bon bouillon avec une poule maigre.
Proverbe turc
Les méfaits du
gras I
Parmi les préjugés venus du passé et dont notre époque a
appris à se méfier : l’idée que le gras serait synonyme de qualité
gastronomique.
Le gras est tellement bon qu’il est interdit d’en manger
quand il s’agit de faire pénitence. Veau gras sacrifié pour fêter le retour du
Fils Prodigue. Bouillon gras, gras-double et gros cochon, carpes ventrues, …
Bref – tout cela, c’est fini et bien fini : vive la
nourriture allégée, le saucisson maigre, le lait écrémé et le yaourt zéro %.
- Ce que nous rejetons toutefois, ce n’est pas seulement
le gras mais aussi la façon de le produire : il est souvent obtenu en
donnant aux animaux d’élevage des nourritures douteuses ingurgitées pour grossir à moindre coût et à plus grand bénéfice – et aussi à grand dommage pour
notre santé. Bref, à moins d’être pauvre, il faudrait être fou pour consommer
de tels aliments.
J’en vois qui hochent la tête et qui rigolent :
« Et le foie gras ? Qu’est-ce que vous dites du foie
gras ? » Eh bien, oui : même le foie gras est rejeté comme ignoble
et indigne d’une table de fête – par nos ennemis héréditaires en matière de
gastronomie, je veux dire les Américains.
Pourtant le gras ils connaissent bien : ça ne les
dégoute pas de manger des hamburgers trempés dans la mayonnaise. Mais ce qui ne
va pas, selon eux, c’est également ce que nous rejetons : c’est la manière
d’obtenir le gras. (1)
Car, le gras n’est pas dans la nature ; ou alors de
façon épisodique quand la saison d’été a rempli les greniers à foison. Mais dès
que l’hiver est revenu, la graisse fond, ne restent que la peau et les os –
qu’on songe aux oiseaux ou aux écureuils. C’est pour cela que le gras est
considéré par certains, de façon symbolique, comme un signe de
prospérité : mes amis vietnamiens qui ont été élevés dans la culture traditionnelle
mangent goulument le gras du jambon (ce n’est qu’un exemple), parce que selon
eux le gras c’est la vie. Nous, nous le jetons, parce qu’il bouche les artères
et qu’en plus il a peut-être été produit par une alimentation frelatée. Non seulement on alimente nos animaux – et donc nous-mêmes – avec
des farines venues on ne sait d’où, mais en plus on saccage la nature pour le
faire, ce qui nous oblige à lancer une campagne de boycott contre le Nutella produit avec de l’huile de
palme qui détruit les forêts et les animaux qui sont dedans.
Plaignons les pauvres écureuils : on leur a fauché
toutes leurs noisettes et les voilà obligés de manger du Nutella pour les
récupérer.
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(1) Ici par gavage des oies, ce qui serait de la cruauté
à l’encontre des animaux. Par contre ça ne les embête pas de manger leurs bœufs
traité aux hormones de croissance…
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