Sunday, June 21, 2015

Citation du 22 juin 2015

La philosophie se sépara de la science, lorsqu’elle posa la question : quelle est la connaissance du monde et de la vie avec laquelle l’homme vit le plus heureux ? Cela se fit dans les écoles socratiques : par la considération du bonheur, on lia les veines de la cherche scientifique — et on le fait aujourd’hui encore.
Nietzsche – Humain, trop humain

Ça, c’est typique de Nietzsche :
            1) Un glissement de sens indifférent à la rigueur théorique des textes : car la question à la quelle Socrate prétendit soumettre la science était : « Est-ce que ce savoir me permettra d’être meilleur ? Conduit-il à la vertu ? » et non pas comme on le lit ici : « La science peut-elle mener au bonheur ? »
            2) Et puis ce retournement inattendu, par le quel le jugement d’abord supposé positif se métamorphose en critique. La science ne doit pas être anémiée par ce plat souci du bonheur : la liqueur de la vérité peut être forte et amère, elle n’en est pas moins la meilleure. C’est la lucidité qu’il faut attendre de la science, et non pas le bonheur ! D’ailleurs, si Zarathoustra vit au sommet de la montagne, ce n’est pas seulement pour voir le soleil se lever, c’est aussi pour voir plus loin !
o-o-o
Ce jugement de Nietzsche est-il encore pertinent aujourd’hui ? Qu’est-ce qui stimule la recherche scientifique et l’étude de la science ? A quoi subordonne-t-on cette étude ?

On le sait aujourd’hui : le public et ses dirigeants politiques ne se soucient guère de vérité – et encore moins de vertu. Le bonheur seul compte et si Nietzsche considère que la science est émasculée par cette obligation d’y conduire, c’est parce que, de son temps, on ne la confondait pas encore avec la technique.
Maintenant, voilà qui est fait : la science n’existe que par ses applications pratiques, et personne n’entend plus ce que signifie « recherche scientifique » (sauf si on lui accole l’adjectif « fondamentale » - et encore !). Mais cette confusion n’indispose personne : pourquoi irait-on subventionner de coûteuses expériences si ce n’est pour le bidule technico-machin qui peut en résulter ? Et qu’on ne vienne pas me dire que le petit robot qui se réveille aujourd’hui sur la comète Tchouri est inutile, car ce n’est pas tout à fait vrai : il fait rêver le public, donc il produit une plus value en terme de publicité médiatique.
La science mise en équation c’est : Science=technique=satisfaction de nos désirs=bonheur (1).
Et quand la découverte va plus vite que les désirs ? On oriente alors la recherche vers la découverte de nouveaux désirs. Un exemple : on dit que la montre Appel Watch est un superbe objet numérique, mais qu’elle ne sert à rien (entendez : rien que je ne pourrais faire aussi bien avec le Smartphone qui est au fond de ma poche). Sauf qu’elle donne des sueurs froides aux surveillants des épreuves du bac : il paraît qu’elle est imparable pour pomper aux examens.
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 (1) Les grincheux ajouteront =profit.

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