La plus utile et honorable science et occupation à une
femme, c'est la science du ménage.
Montaigne
– Essais III, 9
Avant de sursauter, on lira (en Annexe) le paragraphe
de Montaigne: la ménagère dont il nous parle est la femme mariée qui gère la
maison du mari et le décharge de ce soucis. Ce n’est pas la torchonette ou la « pousse-caddy » ;
c’est une épouse versée en économie domestique (pléonasme du temps de Montaigne).
On lira aussi qu’à l’opposé de la « ménagère » on trouve la femme
oisive qui vit du travail de son mari, et qui n’a rien à lui répondre lorsqu’il
rentre tout « marmiteux » du travail alors qu’elle n’a rien à lui
donner à manger parce qu’elle est encore entrain de se coiffer et s’attifer.
Bref : à l’origine de ce statut de la femme, la coutume
antique qui fait de l’oikos (la
maison) le domaine où s’exerce le pouvoir de la femme. Sauf que Montaigne inverse
le principe aristotélicien qui veut que (dans la procréation) l’homme apporte
la forme et la femme la matière. Ici, c’est l’inverse : « Si le mari fournit de matière, nature
même veut qu'elles fournissent de forme. » A l’homme d’apporter les
sous ; à la femme de les gérer avec parcimonie. Je suis sûr que ce partage
des responsabilités dans le mariage existe toujours.
Montaigne ne cherche nulle équité dans ce partage. Ce qu’il
veut c’est pouvoir partir tranquille de chez lui, sans se soucier des décisions
à y prendre pour la gestion quotidienne de ses biens. Il a mieux à faire, et ce
n’est pas un cadeau fait aux femmes. C’est une obligation compensatoire du
mérite de l’homme d’y apporter l’argent nécessaire à la vie.
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« La plus utile et honorable science et occupation à
une mère de famille, c'est la science du ménage. J'en vois quelqu'une
avare ; de ménagère, fort peu. C'est sa maitresse qualité, et qu'on doit
chercher, avant toute autre : comme le seul douaire qui sert à ruiner ou
sauver nos maisons. Qu'on ne m'en parle pas ; selon que l'expérience m'en
a appris, je requiers d'une femme mariée, au dessus de toute autre vertu, la
vertu économique. Je l'en mets au défi, lui laissant par mon absence tout le
gouvernement en main. Je vois avec dépit en plusieurs ménages, monsieur revenir
maussade et tout marmiteux (préoccupé,
souffreteux) du tracas des affaires, environ midi, que madame est encore
après à se coiffer et attifer, en son cabinet. C'est à faire aux Reines: encore
ne sais-je. Il est ridicule et injuste, que l'oisiveté de nos femmes, soit
entretenue de notre sueur et travail. Il n'adviendra, que je puisse, à
personne, d'avoir l'usage de ses biens plus liquides que moi, plus quiets et
plus quitte. Si le mari fournit de matière, nature même veut qu'elles
fournissent de forme. » Montaigne Essais
III, 9
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