Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le bonheur
de tous les hommes, c'est celui de chacun.
Boris
Vian – L'Ecume des jours (1947)
1789 : la Déclaration des droits de
l’homme affirme dans son préambule que l’on va énoncer les fondements grâce aux
quels « les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes
simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ». Le bonheur
de tous les hommes est donc simple, et si l’on veut en découvrir les principes
il suffit de lire la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
1947 : époque de la reconstruction du
monde civilisé, époque où les maitres à penser de tout acabit devaient prôner
la soumission à des évangiles ou des chartes qui enseignaient la voie du bonheur
universel. C’est à ce moment que Boris Vian lance cette sentence radicale, qui
devait sonner comme un anathème : « Refusons de lutter pour le
bonheur de l’humanité, penchons-nous sur celui de l’individu ! ».
Individualisme égoïste ou refus de la manipulation sournoise des élites ?
Ecoutons plutôt la suite :
- Ami, que te faut-il pour être
heureux ? Puis-je quelque chose pour t’aider à l’obtenir ?
Alors, il se peut qu’on n’y puisse rien,
que le bonheur de chacun ne puisse être l’œuvre que de chacun. C’est vrai :
mais c’est quand même réconfortant de se dire qu’on a essayé ! Et puis
surtout qu’on n’aura pas détruit plein de gens qu’on nous désigne comme
responsables du malheur de l’humanité. Car au fond, c’est cela qui prime dans
les prédications des gourous du bonheur universel : le bonheur de tous ne
sera possible que lorsque les mauvais,
ceux qui assument la responsabilités du malheur de l’humanité, auront été
supprimés.
- Détruisez les capitalistes et leurs
valets, car il n’y aura pas de bonheur
sur terre tant qu’ils y seront.
- A morts les infidèles et les
apostats ! Dieu les vomit ! Débarrassez la terre de ces
impuretés !
Oui, peut-être que je ne pourrai rien faire
– et c’est tant mieux ! Mais un peu d’amitié et de compréhension, même si
ça n’est pas le bonheur, ça fait quand même chaud au cœur ! Au cœur d’un
seul individu ?
- Oui.
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Annexe – Préambule de la Déclaration des
Droits de l’Homme
Les Représentants du Peuple Français,
constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le
mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de
la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration
solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que
cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social,
leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du
pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant
comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ;
afin que les réclamations des citoyens,
fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent
toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. »
(c’est moi qui souligne)
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