Ne votez pas
avec votre tête – l’esprit est stupide et le cerveau est faible. Faites
confiance à vos tripes : agissez par instinct et puis votez.
Beppe Grillo – Leader du mouvement
« Cinq étoiles »
(Libé du 3-4 décembre p. 14)
Les italiens
ont-ils écouté Grillo en refusant le référendum de Mateo Renzi ? Mes
compétences politiques étant insuffisantes je ne saurais répondre, mais
j’admets que c’est tentant de le penser.
Maintenant,
est-ce la spécialité de la droite populiste que de savoir jouer avec les
émotions et les passions populaires ? Là aussi, on serait tenté de
répondre « oui » tant ces tribuns manœuvrent l’opinion en exaltant
des sentiments tels que la haine ou l’amour, la crainte ou la hardiesse.
Mais
voilà : à dénoncer de tels artifices présents à l’extrême droite, ne
risque-t-on pas d’oublier de vérifier si par hasard ils ne seraient pas
également présents dans les autres partis politiques considérés comme plus
« honorables » ?
Mais pourquoi
accabler les politiciens supposés manipulateurs et menteurs ? Le DRH n’en
fait-il pas autant ? Et l’instit avec les gamins ? Et Maman avec
Bébé, et Monsieur avec Madame ?....
Nous touchons
là un des ressorts de la vie contemporaine qui va bien au-delà de la vie
politique : c’est le jeu des émotions sur le quel se construit la plupart des
rapports humains actuels, qu’il s’agisse des rapports affectifs ou des rapports
marchands en passant justement par les rapports de pouvoir. En ce sens, Beppe
Grillo donnerait une directive parfaitement inutile parce que redondante :
nous n’agissons de toute façon qu’avec nos tripes, même si nous dénommons
« acte réfléchi » ce qu’elles
nous poussent à faire.
Et puis,
pourquoi ne s’intéresser qu’à la vie actuelle ? Si c’était comme ça depuis
que l’évolution a doté notre cerveau de deux amygdales considérées comme l’un
des principaux centres impliqués dans la vie émotionnelle ? Si les
circuits de la récompense ou bien ceux de la peur étaient derrière chaque
pensée comme elle est derrière chaque action ? Si la haine tout comme la
compassion étaient en dernière instance nos ressorts, et qu’il suffise donc d’agir
sur eux pour obtenir le résultat escompté ? Ne serions-nous pas dans ce
que Guy Debord nommait La société du
spectacle ?
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N.B. Notons
que la société du spectacle décrit le
stade avancé de l’aliénation capitaliste, lorsque la marchandisation de la vie
sociale est arrivée à son terme et que, pour devenir marchandise, tout est noyé dans une idéologie économique :
tout s’achète et tout se vend. Simplement c’est via une sphère de
manifestations audio-visuelle (mais aussi politiques et économiques) que
s’opère cette transformation.
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