La vérité épure sans détruire, et surnage toujours au-dessus
du mensonge, comme l'huile sur l'eau.
Cervantès
– Don Quichotte de la Mancha (1605-1615)
Sous la vérité, le mensonge. Compter qu’elle puisse détruire
l’erreur, c’est comme croire que l’illusion pourrait un jour disparaître. Ainsi,
malgré Galilée, nous n’arrivons toujours pas à voir que le soleil est immobile
dans le ciel et que c’est l’horizon qui bouge par rapport à lui.
Certes, cela ne nous trompe pas vraiment : car la vérité surnage – Bon. Mais elle ne
fait que surnager : la vérité n’a jamais eu de force comparée aux
certitudes soutenues par la passion, par l’ignorance ou par la tradition.
On le vérifie chaque jour : si les créationnistes
pensent que la Genèse donne un récit véritable de la création, et donc que
l’évolution des espèces est fausse, c’est que le désir de croire un tel mythe
l’emporte sur les constats scientifiques.
La question qui vient alors n’est pas seulement :
« Pourquoi la vérité est-elle si faible face à
l’erreur ? » ; mais aussi : « D’où vient cette force
de l’erreur ? ». Les réponses sont bien connues, et pour les résumer
toutes en une seule, je dirai que la vérité a besoin pour être crue d’être
soutenue par une adhésion psychologique, que nous nommons « certitude »
et qui est liée à l’évidence, et dont nous pensons qu’elle résulte du contact
entre notre entendement et la vérité (1). Si donc l’erreur l’emporte sur
l’adhésion à la vérité, c’est qu’elle est soutenue par une force psychologique
bien plus grande que cette évidence.
On dira que la passion qui force à croire qu’une chose est
vraie n’a rien à voir avec la connaissance mais plutôt avec notre engagement
personnel. Oui, il peut se faire que nous nous reconnaissions dans telle ou
telle affirmation et que celui qui nous force à admettre le contraire nous
inflige une blessure narcissique insoutenable. Dès lors, admettre que Dieu n’a
pas créé l’homme tel que nous le voyons aujourd’hui et que la Bible n’énonce
pas forcément la vérité, c’est non seulement voir basculer les certitudes les
plus fortes, mais encore l’univers de valeurs sur les quelles on a construit
son existence.
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(1) Telle était l’idée de Descartes : selon lui il y a
des pensées claires et distinctes, par exemple qu’« il faut trois droites pour enclore un espace », ou bien
« pas de montagnes sans vallée »,
qui nous persuadent de façon invincibles de leur vérité.
1 comment:
je reviens kiss JP
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