Tuesday, January 17, 2017

Citation du 18 janvier 2017

Le plus prudent serait que chacun laissât dormir sa colère, car personne ne connaît le fond de personne, et tel va chercher de la laine qui revient tondu.
Cervantès – Don Quichotte de la Mancha (1605-1615)
On reconnait dans cette phrase la prudence de Sancho Pança et son goût immodéré pour les proverbes. Oui, n’est-ce pas, se livrer à la colère quand on peut la retenir n’est pas prudent, car c’est aller à l’inconnu qui gît au fond de nous. Et cet inconnu pourrait bien nous faire tout perdre, par exemple si dans notre fureur nous nous attaquons à plus fort que nous.
Tout cela est assez facile à comprendre, et ne mérite guère qu’on s’y arrête.
Sauf que cette idée « personne ne connaît le fond de personne » est une affirmation surprenante quand on veut bien l’étendre jusqu’à soi-même (« personne ne connaît le fond de sa propre personne ») et que 4 siècles plus tard Freud a eu bien du mal à faire entendre quand il a parlé de l’inconscient psychique. Car voilà ce qu’il nous dit : le fond de votre personne fait encore partie d’elle ; elle n’est pas une étrange force habitant le corps et qui produit un afflux de sang aux tempes ou de la bile noire qui s’écoule en surabondance. Plus encore : à l’instant même où je suis entrain de causer avec civilité, ou alors de mignonner ma douce amie, ce monstre est toujours tapi au fond de moi, et – pire encore – peut-être influence-t-il le déroulé de mes civilités ou mes caresses les plus tendres.
Cet alien qui nous manipulerait sournoisement introduit le conflit en nous mêmes : nul besoin de partir en guerre contre un ennemi étrange, loin de nos frontières. C’est en nous qu’il se trouve.

On comprend que cette vision ne fasse pas plaisir.

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