Friday, March 28, 2008

Citation du 29 mars 2008

Certains s'imaginent que les princes qui ont une réputation de sagesse la doivent seulement à leurs conseillers, non à leurs qualités naturelles, mais ils se trompent. Car voici une règle infaillible : un prince qui manque de sagesse ne sera jamais sagement conseillé, à moins qu'il ne s'en remette complètement au choix du hasard, et que le hasard désigne un sage second. En ce cas, on pourrait bien évoquer la sagesse du prince, mais elle serait de courte durée, car ce gouverneur lui ravirait son État.

Machiavel - Le Prince - chapitre 23

C’est devenu une opinion assez générale : les hommes politiques sont des communicants (1), ils ne font que faire passer les projets, les idées conçus par leurs conseillers, politiques ou spécialistes. On a même l’impression parfois que ces hommes d’Etat sont comme les écrivains qui ont recours à des nègres : pour ceux-ci, on ne reconnaît pas leur style d’un livre à l’autre ; pour ceux-là on se trouve devant une autre pensée (2).

Machiavel prend le problème par son bout politique : l’homme d’Etat qui ne fait que suivre ses conseillers perdra le pouvoir immanquablement ; soit parce qu’ils seront incohérents ; soit parce que le sage conseiller va ravir le pouvoir pour lui seul.

Les conseillers du président – Notre Président ! – sont-ils sages ? Je me garderai bien de répondre ici à cette question. Mais ce que j’observe, c’est qu’on est toujours à la recherche de l’auteur de ses discours. Qui est sa plume ? Claude Guéant, Henri Guaino, Emmanuelle Mignon, ça fait du monde, et on en ignore sans doute encore beaucoup…

En fait je constate que désormais, on n’entend plus le discours du Président, parce qu’on cherche à deviner l’influence du conseiller. Le Président flotte dans son discours comme un communiant dans le costume trop large pour lui de son grand frère. Et lorsqu’il s’exprime personnellement et qu’il lâche une énormité (du genre « J’inclinerai pour ma part, à penser qu’on naît pédophile »), alors on se dit : « Tient ! Il essaie de parler comme X. »

On rapporte que Bill Clinton au bout d’un an de présidence a viré tous les conseillers issus de ses proches pour les remplacer par des professionnels. On devrait alors imaginer que les conseillers doivent être de simples techniciens, et qu’ils ne peuvent que dire comment tenir le cap, et non le choisir.

Mais pour choisir le cap, il faut être un grand homme d’Etat… ou savoir écouter le peuple ?


(1) Qu'on se rappelle le cas de Ronald Reagan, dont on disait qu'il était un excellent communicant, mais qu'il ne tenait pas plus de 20 minutes quand il fallait travailler sur dossier.
(2) Voyez l’irruption en 1995 du thème de la fracture sociale dans la compagne du candidat de droite.

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