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Tuesday, October 18, 2016

Citation du 19 octobre 2016

Il n'importe que la cloche ait quelque défaut, pourvu que le battant soit bon.
Brantôme – Les vies des dames galantes (1600)   
(A une dame qui lui disait) « Mais vous voylà bien blanchy, Monsieur le Mareschal » (celui-ci répondit) : « Je suis comme les poireaux, la teste blanche et la queue verte ».
Maréchal de Bassompierre (1579-1646 . Cité le 24 aout 2007)
Freud parle d’un Turc qui s’adressant à son médecin, lui disait : « Tu le sais bien, si cela (= le sexe) ne marche pas, la vie n’a plus aucune valeur. » (1) : on en déduit facilement que le « battant de la cloche » la « queue du poireau » qui valorise l’homme sont bien des symboles tout à fait transparents de l’« organe » viril.
C’est quand même une chose de bien rassurante pour un homme que de se dire : « Si j’ai toujours une érection quand il faut, alors je ne me fais pas de souci : je suis en bon état. » Si l’homme ne se résume pas à cet organe érectile, du moins est-il tout entier absorbé par sa contemplation narcissique – du moins tant que celui-ci est capable de répondre à sa fonction érotique.
Qu’on se rappelle l’intérêt extraordinaire qu’a eu le lancement du Viagra : on aurait dit que c’était la plus grande invention de la médecine, auprès de la quelle la découverte de la pénicilline était peu de chose.
Orgueil de phallocrate ? Oui, bien sûr… Mais mon incorrigible optimisme me souffle que ce n’est finalement pas si mal d’avoir un tel narcissisme. Pour vivre heureux, un homme n’a besoin que de la fierté de son organe – et même s’il est un peu rabougri, il peut encore avoir de l’indulgence pour lui et penser qu’il est plus important d’en avoir une petite courageuse qu’une grosse paresseuse…
Du coup, j’en suis à me demander si les femmes ont le même refuge narcissique quand elles en viennent à douter d’elles-mêmes ? Une poitrine généreuse ? Une croupe arrondie ? Plus généralement une silhouette avantageuse ?


Maryline Monroe – Sept ans de réflexion
On l’a compris en voyant cette image : aucun de tous ces avantages n’est suffisant: il faut en plus un monsieur qui regarde.
Et pour nos fiers phallocrates, c’est pareil ? Oui, mais à condition d’être admirés par une bande de potes.
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(1) Freud. La naissance de la psychanalyse (in Psychopathologie de la vie quotidienne – p.7)

Wednesday, July 15, 2015

Citation du 16 juillet 2015

Je ne veux pas être riche. Je veux être merveilleuse.
Marilyn Monroe
Merveille – Subst fém.
Chose qui suscite l'étonnement et l'admiration en raison de sa beauté, de sa grandeur, de sa perfection, de ses qualités exceptionnelles.
TLF

Comment juger un tel vœu ? Que dire ? Faut-il admirer sa naïve franchise ou fustiger sa sotte prétention ? Doit-on en faire la conséquence de l’idolâtrie dont Marilyn a été l’objet ?
Je préfère m’intéresser à cette idée : être une merveille. Si Marilyn a été effectivement merveilleuse, en quoi l’a-t-elle été ? Et si on a du mal à le dire, cherchons la photo où elle nous parait en effet merveilleuse.
Voici celle que j’ai retenue :


La splendeur de cette femme, allongée, comme offerte au photographe qui la surplombe, le luxe raffiné qui l’environne (le Glamour) et en même temps cette expression interrogative, comme si elle attendait la réponse à une question.
Quelle question ? « Suis-je merveilleuse ? »

La marâtre de Cendrillon avait un miroir qui lui répondait lorsqu’elle l’interrogeait.  On devine que le malheur de Marilyn fut de chercher la réponse en elle-même, et que cette réponse fut toujours négative. Elle appartenait à ces gens qui ne se contentent pas d’être adulé par un public de fans. Ils veulent en plus être admirables à leurs propres yeux – Et là, ça n’est pas gagné !

Nous tous qui échappons à cette interrogation angoissée, nous le savons instinctivement : oui, nous sommes merveilleux et il ne reste qu’à réparer les blessures (narcissiques) infligées par ceux qui ne reconnaissent pas cette réalité. Mais on devrait dire aussi que, symétriquement, il y a ceux qui sont persuadés de n’être rien du tout, des petits néants avec de la peau autour. Et pour ceux-là, il n’y a aucune place pour un doute quelconque.

Et peut-être pas de place non plus entre ces deux extrêmes.

Friday, January 30, 2015

Citation du 31 janvier 2015

La différence entre un homme courageux et un lâche est très simple. C’est une question d’amour. Un lâche s’aime…
Philipp Meyer – Le fils (ch. 13)
Sur le modèle de la définition aristotélicienne (Le genre + la différence spécifique), voici la définition de la lâcheté : « Réaction au danger + Amour de soi ».
N'est-ce pas également par ce narcissisme que s'explique la peur de mourir ? On pense irrésistiblement à Néron, qui, au moment de se trancher la gorge, pleure la perte que sa disparition va infliger au Monde : « Qualis artifex pereo ! » (Quel grand artiste périt avec moi !).
Avant de dire que c’est une prétention ridicule, demandons-nous si, à quelques différences près, ce n’est pas ce qui nous pousse à garder la vie le plus possible.
Il est difficile de s’introspecter sur ce plan – car savons-nous pourquoi on a peur de mourir ? Ne serait-ce pas simplement pour continuer à jouir des plaisirs de la vie ? Pour conserver l’amour de nos chers amis, et celui de nos enfants qui grandissent sous notre regard ému ?

- Regardons ailleurs pour faire le point. Par exemple, la spiritualité orientale, qui nous enseigne à aimer la mort comme libération spirituelle ; raison pour la quelle le corps du défunt, si précieusement conservé chez nous, est brûlé rituellement dans toutes ces religions.
Du coup, ce que refusent ces religions exotiques c’est précisément ce que nous recherchons essentiellement : la survie post-mortem de notre moi jusqu’à la résurrection de son corps. Notre consolation lors de la mort d’un être cher n’est elle pas de penser qu’un jour nous aussi nous pourrons mourir et alors aller la retrouver ? (1)
Voilà donc : nous voulons conserver la vie pour jouir plus longtemps de nous-mêmes. Ce qui atténue le malheur de mourir, c’est l’idée que notre précieux Moi va continuer d’exister – ailleurs, mais inchangé.
Si la lâcheté explique la peur de mourir, alors c’est bien le narcissisme qui à son tour explique la lâcheté.
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 (1) La femme du Roi Renaud le chante : « Renaud, Renaud, mon réconfort / Te voici donc au rang des morts ! / Terre fend-toi, terre ouvre-toi / Que j’aille rejoindre Renaud mon Roi ! ».

Monday, December 03, 2012

Citation du 4 décembre 2012



Si on ne s'aimait pas tant soi-même on serait toujours seul.
Boris Vian – L'Herbe rouge
Prenez mes dollars, mes bank-notes,  /Ma montre, mon chapeau, mes bottes,  / Mais dites-moi que vous m'aimez !
Offenbach – La vie parisienne – Rondo du brésilien
On commence à avoir des malheurs quand on a cessé de ne penser qu'à soi.
Boris Vian
1 – Le narcissisme serait un amour de soi qui culmine dans la jouissance de l’amour venu des autres. Dites-moi que vous m’aimez… C’est ce que chante le Brésilien dans le Rondo de la Vie parisienne, – un homme qui ne pense qu’à lui, et qui s’entoure d’entremetteurs et de cocottes : telle serait la complainte de l’amoureux de lui-même.
On est quand même un peu étonné – Comment celui qui s’aime lui-même aurait-il besoin des autres ? Il n’en a semble-t-il pas besoin, puisqu’il est à la fois sujet et objet du même amour.
– Mais rappelons-nous le mythe : Narcisse est mort de chagrin faute d’avoir pu étreindre son reflet dans l’eau de la fontaine. Comment satisfaire un  pareil amour ?
Puisqu’il ne suffit pas d’être adorable, mais qu’il faut en plus être adoré effectivement, c’est à dire en actes, et faute de pouvoir s’enlacer soi-même, la parade consiste à se faire étreindre par autrui. Un « autrui » qui ne vivrait, ne respirerait, que par nous – qui n’espérerait rien de la vie que de pouvoir rester à nos pieds.
2 – Toutefois, en ayant besoin d’autrui, on se met sous sa dépendance. L’amour, même s’il n’est pas amour pour les autres, a besoin d’eux malgré tout. Et avoir besoin des autres, c’est vivre dangereusement. On commence à avoir des malheurs quand on a cessé de ne penser qu'à soi.
3 – C’est que l’amour avant d’être fusion, est altérité : Jean-Pierre Vernant le présente comme le principe qui « rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l'unité » (1).  On pense alors à la procréation qui transforme un couple fusionnel en générateur d’une multiplicité d’enfants. Alors, l’amour s’accomplit dans la procréation.
Tiens… Revoilà la problématique du mariage gay…
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(1) Jean-Pierre Vernant, L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989.

Wednesday, August 03, 2011

Citation du 4 aout 2011


Ah, c'est une chose plus enivrante que le vin d'être une belle jeune femme !

Paul Claudel – L'otage (1911)

Portrait de Paul Claudel inspiré par les anges, 1938 par Jean Bernard

En 1911 Paul Claudel a 43 ans : ce n’est pas encore un vieux-tout-moche, mais on peut se douter qu’il n’est plus de la première fraicheur.

Serait-il sous l’emprise du démon de midi qui lui ferait croire que l’ivresse qu’il ressent en présence d’une belle jeune femme est en elle avant d’être en lui ? Tout de même pas…

Posons donc la question : Si Claudel est l’homme capable de savoir ce que ça fait d’être une belle jeune femme – d’où lui vient cette intuition ?

J’ai cru avoir réponse avec ce tableau de Jean Bernard qui représente Claudel écrivant, inspiré par les anges : alors ce seraient les anges qui révèleraient à Claudel ce que ressent une belle jeune femme ? Toutefois, on reste dubitatif : les anges n’ont pas l’habitude de colporter ce qui se passe chez les autres ; et puis fréquentent-ils les belles jeunes femmes ?

Je sens que vous trépignez d’impatience de savoir ce qu’il en est…Allez, je vais vous le dire : moi qui ai été non pas une belle jeune femme, mais un beau jeune homme (du moins le crus-je), j’ai connu cette ivresse de l’auto-contentement narcissique devant son miroir. Quelque chose comme un ravissement de voir que cet homme si beau et si séduisant, – cet homme que dans l’instant je ne reconnaissais pas et que j’aurais voulu être – oui, cet homme, c’était moi-même. C’est se voir comme un Dieu du Stade du miroir….

Déduisons : ce qui m'est arrivés est sans doute arrivé aussi à Claudel dans sa belle jeunesse, et je suppose qu’il n’a eu aucune difficulté pour imaginer que ça arrivait également aux belles jeunes femmes – et que les vieux-tout-moches captent ça un peu plus que les autres, ça n’aurait rien d’étonnant.