Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige personne ; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie.
Montesquieu – L’Esprit des lois
Qu’est-ce qui fait du suffrage universel le procédé idéal pour désigner les représentants du peuple ? Les déboires récents subis par le Parti Socialiste dans le renouvellement de ses cadres aurait bien dû nous faire réfléchir : le mieux n’aurait-il pas été de tirer au sort, parmi les candidats, celui qui serait appelé à la direction du parti ? A condition que ce tirage ne soit pas pipé – et il est sans doute plus difficile de truquer un tirage au sort que des élections dans une myriade de bureaux de votes – ses résultats auraient été incontestables et auraient évité tous ces déchirements dont la réparation sera sans doute l’œuvre principale de la nouvelle élue.
On me dira peut-être : « Méprisez-vous à ce point les dirigeants politiques que vous considériez qu’ils soient équivalents à n’importe quel individu que le hasard pourrait leur substituer ? »
Les grecs, eux qui inventèrent la démocratie, avaient pour principe de remplacer l’élection par un tirage au sort entre les membres du démos concerné par celui-ci. Il est vrai que seuls les magistrats (chargé du pouvoir exécutifs) étaient ainsi « élus », le pouvoir législatif étant accordé à l’ensemble des citoyens (démocratie directe). Le principe était que la charge d’exécuter les lois devait être attribuée au hasard puisque tous les citoyens étaient estimés également compétents. Si tel n’avait pas été le cas, alors il aurait fallu restaurer l’aristocratie (= gouvernement des meilleurs). Et dans ce cas on aurait dû instaurer un recrutement par concours, comme chez nous pour les cadres de la fonction publique (1).
Je plaisante si peu que les philosophes des Lumières considérèrent que si la Raison doit guider le peuple, alors un despote est tout à fait valable pourvu qu’il soit éclairé.
Il est vrai que deux embûches empêchèrent la réalisation de ce beau projet : d’abord, bien peu de despotes sont effectivement éclairés ; ensuite – et surtout – la raison politique est l’aboutissement des débats et non une norme préétablie (= il n’y a pas de science politique).
Et dans ce cas, le tirage au sort entre des individus également compétents – ou incompétents – serait la moins mauvaise solution.
Si on avait tiré à la courte paille entre Martine et Ségolène, le parti serait encore uni et en ordre de bataille quelqu’en ait été le résultat.
(1) Si vous vous ennuyez par un dimanche pluvieux, voici un petit amusement qui vous aidera à passer le temps avec quelques amis : demandez que chacun à son tour décrive les épreuves du concours à passer pour recruter le 1er secrétaire du Parti Socialiste.