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Thursday, September 16, 2010

Citation du 17 septembre 2010

La joie qui a besoin d'une cause, ce n'est pas de la joie, mais du plaisir.

Gustav Meyrink – La nuit de Walpurgis

Y a-t-il un plaisir sans joie ? Et une joie sans plaisir ? Est-ce raisonnable d’introduire ainsi une séparation entre deux états que nous vivons en principe simultanément ? Tout ça, c’est ergotage et compagnie…

Pourtant à mieux y regarder, on pourrait quand même dire que si joie et plaisir sont généralement simultanés ce n’est pas pour autant qu’ils se confondent et que, pour bien comprendre leur nature, il faut tout de même les envisager séparément.

Ce que nous pouvons faire avec Spinoza :

- La joie nous dit-il est la conscience d’un passage de notre être d’un état inférieur à un état supérieur. Elle est toute entière interne à nous-mêmes, elle n’a pas besoin d’une cause et surtout pas d’une cause extérieur.

Exemple : vous rencontrez une femme dont vous tombez amoureux. Elle peut bien vous apporter du plaisir – on l’espère même. Mais vous n’aurez de joie que si vous ressentez que vous grandissez à ses côtés – par exemple que vous devenez poète, ou que vous vous dépassez dans des exploits qui vous étaient auparavant inaccessibles.

Faut-il opposer la joie au plaisir ? Peut-être pas, mais les distinguer, sûrement.

Restons avec Spinoza. Selon lui, le plaisir est lié à un sentiment voluptueux qui est forcément éprouvé quelque part, c’est une titillation de tel organe à tel moment. Or, ce plaisir étant forcément limité à cet organe, il peut entrer en contradiction avec tel autre – et donc aussi avec l’organisme. Comme l’ivrogne qui éprouve du plaisir à boire, sans tenir compte que son corps est détruit par là. Le plaisir ici est déplaisir ailleurs. Or, avec la joie, rien de tel. Il n’existe aucune joie qui produirait en même temps de la tristesse. (1)

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(1) Sur la tristesse chez Spinoza, voir ici.

Sunday, August 15, 2010

Citation du 16 août 2010

La seule tristesse qui se rencontre dans cette vie vient de notre incapacité à la recevoir sans l'assombrir par le sentiment que quelque chose nous est dû.

Christian Bobin – L'Inespérée

Tristesse III

Je ne suis pas sûr que cette citation ajoute quelque chose à la compréhension de la tristesse telle que Spinoza vient de l’établir (voir ici).

Pourtant on rencontre bien des fois cette idée : en plus de la perte « d’un degré de perfection » (Spinoza), nous sommes tristes de voir que cette perte correspond à une injustice. Nous ne sommes pas seulement tristes de perdre ; mais nous sommes en plus tristes parce que d’autres ne perdent pas.

Par exemple, le candidat recalé au Bac, est triste parce qu’il doit renoncer à l’image avantageuse qu’il s’était faite de lui-même. Mais il va être encore plus triste s’il voit que son copain, fumiste au dernier degré, est reçu malgré tout.

Mais on peut aussi penser à la chanson de Brel, le Moribond : Adieu l'Antoine je t'aimais pas bien / Adieu l'Antoine je t'aimais pas bien, tu sais / J'en crève de crever aujourd'hui / Alors que toi tu es bien vivant / Et même plus solide que l'ennui.

Si on se reporte à la vidéo live de Brel, on s’aperçoit que c’est là que se trouve le seul passage vraiment triste de la Chanson : attendri avec Emile, complice avec le Curé, accusateur avec sa femme, il est sans ressources devant cette injustice : mourir en laissant la place libre dans son lit à son ennemi…

Récapitulons : la tristesse s’entend de deux façons complémentaires.

- D’abord il y a la tristesse simple, qui correspond sans doute à ce qu’en dit Spinoza : perte d’un degré de perfection (mourir ; et en plus mourir au printemps) ;

- Et puis il y a la tristesse redoublée (au carré si l’on veut bien) : tristesse d’être victime d’une injustice.

Saturday, August 14, 2010

Citation du 15 août 2010

Il n'y a rien de plus triste que la tristesse d'un homme gai.

Armando Palacio Valdés – La joie du capitaine Ribot

Tristesse II

Hier j’ai réglé mes comptes avec ceux qui refusent d’échanger un préjugé contre 3 hypothèses.

Aujourd’hui je voudrais parler d’un autre préjugé, qui m’est propre cette fois : je déteste qu’on me dise : « Tout(e) petit(e), les clowns me faisaient pleurer… », parce que ça ne me paraît pas très authentique, j’ai l’impression que c’est un poncif ramassé n’importe où, et réinjecté dans des souvenirs d’enfants, après coup, histoire de faire l’intéressant…

Je dois reconnaître pourtant qu’il y a quand même là une part de vérité.

Reportons-nous à la citation de Valdès (1) : la tristesse est particulièrement saisissante quand elle apparaît sur fond de joie ; c’est un procédé, un peu comme dans les mélos, où les pleurs pour être émouvants, doivent surgir au milieu des rires.

- Pourquoi est-ce que je ne supporte pas qu’on me dise que les clowns font pleurer certains enfants, pendant que les autres s’étouffent de rire ? Parce que ça me paraît artificiel, comme quelque chose de trop énorme pour être vrai.

- Par contre, remarquez combien on est attentif quand la tristesse surgit avec nuance et pudeur dans la joie.

Exemple : on parle toujours avec émotion de Charlie Chaplin, qui dans un de ses films (le quel ???), nous montre Charlot – personnage facétieux et drôle – qui pleure parce que sa maison brûle. Il pleure, oui – mais on ne le voit que de dos. Il sait pleurer de dos –Bravo l’artiste ! Mais surtout : Bravo le réalisateur qui sait qu’il ne faut surtout pas montrer les larmes de Charlot.

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(1) Sur Valdès, voir ici (si vous ne maîtrisez pas la langue de Cervantès la traduction Google paraît supportable)

Friday, August 13, 2010

Citation du 14 août 2010

La tristesse est le passage de l’homme d’une plus grande à une moindre perfection.

Spinoza – Ethique, 3ème partie – Définitions des sentiments, III

Tristesse I

Le moindre avantage qu’on soit en droit d’attendre de la philosophie c’est cela : qu’elle fasse un peu le ménage dans les représentations mal fondées, dans les préjugés et dans les superstitions. Comment cela ? En nous proposant plusieurs hypothèses là où d’ordinaire une seule « certitude » nous suffit.

Le mérite de Spinoza est de souligner deux éléments propres à la tristesse :

- D’abord, la tristesse correspond à une réalité objective, qui est la perte d’un degré de perfection. Et non un sentiment lié à une subjectivité qu’il suffit d’éclairer pour la faire disparaître. Du genre : « Bouge tes fesses un peu, tu vas voir que ça ira mieux… » Non : il y a bel et bien passage … d’une plus grande à une moindre perfection.

- Ensuite, on évite également la surestimation de la tristesse entendue comme la façon dont la belle âme s’éprouve elle-même. Il faut se reporter aux Romantiques pour avoir une idée de ce qu’était alors la tristesse : une propriété du génie… ou du moins de l’homme qui sort du commun.

Donc :

- 1ère hypothèse : Spinoza nous dit que la tristesse est liée objectivement à une perte et non une grandeur ; c’est ainsi que la tristesse est exactement opposée à la joie. (1)

Sinon :

- 2ème hypothèse : que la tristesse soit strictement un état psychologique sans qu’aucun fondement objectif ne soit requis pour la comprendre – pourquoi pas ? Mais alors on devrait en faire un état pathologique, comme les états dépressifs, et ne surtout pas chercher à lui donner un sens, mais simplement combattre ça à coup d’anxiolytique : Prosac, la pilule du bonheur.

Ou encore, si vous y tenez :

- 3ème hypothèse : que la tristesse soit la marque du Génie, peut-être également… mais alors :

- ou bien (1ère hypothèse subsidiaire) il faut admettre le génie soit marqué par cela sans qu’on sache pourquoi,

- ou bien (2ème hypothèse subsidiaire) c’est qu’un Génie ne peut vivre heureux chez des nains comme nous – Ses ailes de Géant l’empêchent de marcher… (2)

C.Q.F.D. (comme disait Spinoza…)

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(1) Cf. Spinoza, idem – Def. II

J’ajouterai pour ceux qui veulent plus de précision que dans l’Explication de cette définition, que Spinoza précise que la tristesse n’est pas dans la moindre perfection – puisque participer à une perfection ne peut nous attrister – mais dans le passage à cette moindre perfection – c'est-à-dire dans la perte de quelque chose.

(2) Baudelaire – L’albatros (Les fleurs du mal)

Thursday, December 21, 2006

Citation du 22 décembre 2006

Le démon de l'acédie…. Il s'attaque au moine vers la quatrième heure et encercle son âme jusqu'à la huitième heure… Il commence par faire que le soleil semble ne pouvoir se déplacer qu'à peine, ou pas du tout, donnant ainsi l'impression que la journée a cinquante heures…. Il l'amène aussi au désir d'autres lieux, dans lesquels on peut facilement trouver ce dont on a besoin, et d'exercer un métier plus facile et qui marche mieux.

Evagre le Pontique

Vous êtes fatigué, irritable, les fêtes vous ennuient la perspective de leur fin vous déprime (cf. message du 13 février). Peut-être êtes vous acédique ? Je ne veux pas suggérer que vous êtes chômeur, non, je veux dire : vous êtes peut-être affligé d’acédie, cette tristesse si bien décrite au cours de l’histoire (ici par un ermite du désert d’Egypte), et qui frappait essentiellement les moines reclus dans leur cellule.

Il s’agit en effet d’une maladie psychologique qui affecte plus particulièrement les moines : l'acédie monastique est la tristesse devant les biens spirituels essentiels de l'homme, c'est–à–dire devant la particulière dignité spirituelle qui lui a été conférée par Dieu. Mais les symptômes décrits ont une ressemblance tellement évidente avec ceux de la dépression nerveuse qui affecte nos contemporains, qu’on ne peut éviter d’y voir une identité à peine nuancée par les différences liées au genre de vie et aux préoccupations des moines (d’ailleurs, on peut supposer qu’elle concernait aussi d’autres groupes, mais qu’elle n’y était pas décrite). Tout se passe comme si ce n’était pas une maladie psychologique, donc forcément liée à l’environnement, mais une maladie du cerveau.

Si en effet malgré les bouleversements de l’histoire la dépression « nerveuse », se manifeste par des symptômes similaires, alors on est en droit de supposer que l’organisation physiologique du cerveau est en cause. Les revues scientifiques regorgent d’articles relatant les découvertes attestant qu’il y a des zones du cerveau qui sont responsables de nos états affectifs, et que des lésions ou des substances chimiques les affectant entraînent des modification substantielles du comportement. On sait, par exemple, que la « castration » par éradication d’une zone très précise de l’encéphale a été utilisée pour lutter contre les déviations sexuelles criminelles.

La question est : jusqu’où y croit-on? Croit-on que l’autisme soit une maladie génétique ? Croit-on que l’homosexualité soit liée à un gène ? Croit-on que les criminels soient des « super mâles » XYY ?