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Monday, December 12, 2016

Citation du 13 décembre 2016

L’homme est un loup pour l’homme.
Hobbes
Et si le loup était un modèle non de férocité mais de solidarité avec ceux de sa meute, si l’homme devenait un de ses membres aurait-il droit à un amical salut le matin ?

Impossible ? Regardez plutôt cette image :


C’est le loup qui prend l’initiative de la léchouille, preuve qu’il reconnaît l’homme comme l’un des siens – peut-être même comme le chef de la meute.
Serons-nous un jour comme les loups : dur pour les étrangers et fraternel avec les siens ? D’ailleurs, ne le sommes-nous pas déjà, nous qui chassons avec férocité les demandeurs d’asile refusés sur notre territoire ? Feriez-vous la même chose que ce loup avec le musulman qui entre à la Mosquée pour la prière du matin ?

Je sens que je choque : oui, au fait, pourquoi choisir un tel exemple ? Pourquoi ne pas demander si vous saluez aimablement tous ceux qui viennent d’un quartier qui n’est pas le votre ?
C’est vrai, mais voyez-vous, si le loup nous donne un exemple supplémentaire, c’est celui de la recherche d’identifiants strictement sélectionnés : on dit que le louveteau passe des nuits entières à reproduire soigneusement les modulations du hurlement caractéristique de sa meute, qui lui servira de sauf-conduit quand, revenant seul vers les siens ceux-ci ne l’accepteront que s’il sait « hurler avec les loups » de façon correcte.
Alors, voilà : nous faisons la même chose avec les musulmans, priés de prouver qu’ils sont de bons maris respectueux du droit de leurs femmes à vivre en toute liberté, et que les femmes sont capables de s’affranchir de la tutelle des imams ; quant à leurs enfants ils pourraient quand même s’appeler Kévin plutôt que Rachid, ça serait une bonne idée.
Mais a-t-on les mêmes exigences par rapport à la caillera de banlieue ? Bien sûr que non, à moins d’exiger (comme Finkielkraut) qu’ils parlent la langue de Racine avec l’accent du 16ème arrondissement.

Friday, August 12, 2016

Citation du 13 aout 2016

Ton christ est juif, ta pizza est italienne, ton café est brésilien, ta voiture est japonaise, ton écriture est latine, tes vacances sont turques, tes chiffres sont arabes et... tu reproches à ton voisin d'être étranger !
Julos Beaucarne
- Le Christ, Juif ? Pas possible : il était blond aux yeux bleus ! 
- La pizza italienne ? La mienne est faite avec tout ce que la France produit de meilleur dessus, comme du Comté ou du Jambon de Paris.
- Ma Toyota est japonaise ? Pensez vous !  C’est une Yaris fabriquée à Valenciennes !
- Mes vacances sont turques (heu… plus maintenant) grecques ?  Oui, mais la Grèce, berceau de la Civilisation etc…
- Les chiffres sont arabes ? Même pas vrai !!!


A quoi bon ces dénégations ? Le métissage, qui donc pourrait prétendre le condamner ? Qui donc saurait se passer de tout ce qui n’a pas été créé à l’intérieur des frontières de sa nation ? Il faut avoir été un nazi délirant (ou un stalinien obtus) pour exiger que la science s’aligne sur l’idéologie – en interdisant qu’on enseigne la théorie de la relativité parce qu’Einstein était juif, ou en imposant les théories de Lyssenko contre la génétique « bourgeoise ». Du fait des échecs de ces théories « pures », on a donc été obligé d’admettre que le métissage transforme ces « produits » étrangers (ou plutôt apatrides – au sens positif du terme) et que ce qui compte ce n’est pas seulement leur origine mais ce qu’on a su en faire ensuite. Car ça compte aussi : les chinois ont inventé la poudre ? Mais qu’en ont-ils fait ? Des feux d’artifice !  Applaudissons la civilisation occidentale qui a perfectionné leur invention en inventant le canon.


Revenons à notre Citation-du-Jour : on comprend que l’on reproche à notre voisin d’être étranger : c’est sans doute parce qu’il n’est pas assimilé, qu’il est peut-être même inassimilable – du moins on va faire tout ce qu’on peut pour cela. D’une certaine façon l’étranger est lui aussi « pur » ; mais sa pureté est mauvaise. Et quand bien même il serait assimilé, quelque chose de son origine exotique subsisterait encore ; au mieux ce sera recouvert de suffisamment d’éléments empruntés à la Civilisation (= la nôtre) pour devenir supportable.

Wednesday, June 29, 2016

Citation du 30 juin 2016

/L’étranger/ est fixé à l'intérieur d'un cercle géographique donné (…) mais sa position y est déterminée surtout par le fait qu'il n'y appartient pas d'avance, qu'il y importe des qualités qui n'en proviennent pas et ne peuvent en provenir
Georg Simmel, Sociologie. Études sur les formes de la socialisation, (1908)
p. 663-667 (Lire ici)
Du concept d’étrangeté -
L’étranger est celui qui apporte avec lui « des qualités qui ne proviennent pas /de notre pays/ et ne peuvent en provenir ». Autrement dit, l’étrangeté est liée, à tout jamais, à l’étranger, même quand il parviendrait à se fondre dans la masse des autochtones – par exemple en parlant leur langue sans aucun accent. Comme cette étrangeté n’est autre que la marque d’un ailleurs, commun à d’autres hommes provenant du même lieu, l’étranger n’est pas un individu unique, mais toujours lié à un peuple, une culture ou une communauté.
L’étranger nous est proche, puisqu’il est notre voisin, mais il n’est pas notre prochain, puisqu’il est marqué par sa nature différente. On protestera sans doute : l’homme – celui de nos Droits de l’homme – est universel, en lui l’essence humaine s’exprime totalement quelle que soit son origine géographique ou ethnique. Nous pouvons reconnaître ou non l’étranger comme membre de notre groupe, de toute façon il est homme et voilà tout. Sauf que cela ne l’empêche pas de conserver les différences dont nous avons dit qu’elles étaient sa marque. Dirons-nous que ces différences sont inessentielles ? Peut-être – mais Simmel ne le pense pas : « la conscience de n'avoir en commun que le simple universel met davantage en relief justement ce qui n'est pas commun » écrit-il.
Autrement dit, c’est l’accessoire qui devient essentiel…Joli tour de passe-passe ! N’allons-nous pas exclure de notre groupe des hommes simplement parce qu’ils ont besoin de faire shabbat le samedi, de jeuner pendant le ramadan ou de se prosterner au pied de la croix ? Car depuis que l’humanité a pris racine quelque part, elle a toujours adoré des forces occultes aux quelles elle a sacrifié bien des hommes justement.
D’ailleurs il se fait aussi que bien d’autres détails beaucoup plus accessoires deviennent parfois déterminants pour diviser les hommes. Et si pour être étranger il suffisait d’être habillé aux couleurs d’une équipe de foot à l’intérieur d’un stade où se trouvent des hommes supporters vêtus d’autres couleurs ?


Monday, February 29, 2016

Citation du 1er mars 2016

Lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays.
Descartes – Discours de la méthode
A rolling stone gathers no moss (Pierre qui roule n’amasse pas mousse)
Proverbe (1)
Qu’est-ce qu’un étranger ? Ou plutôt devrait-on dire « Qu’est-ce qu’être étranger », puisqu’on comprend que selon Descartes on ne nait pas étranger mais on le devient. Et qui plus est, on peut le devenir dans son propre pays, lorsqu’on n’a y pas séjourné suffisamment longtemps. Et à notre tour nous pourrions demander à Descartes s’il n’est pas devenu étranger à la France, lui qui a vécu en Hollande à partir de 1629 ?
Mais revenons à notre propos : parmi les différentes manières de devenir étranger, l’une consiste à voyager sans cesse, restant étranger aux pays qu’on traverse, et le devenant par rapport à son propre pays, un peu comme un navigateur qui, ne faisant que de brèves escales, n’aurait que son navire pour patrie. Au fond l’important est de comprendre que l’étranger est simplement quelqu’un qui manque de racines, et qui, ne se reconnaissant dans les coutumes d’aucune nation, serait comme la pierre qui roule et qui ne laisse aux mousses ou aux lichens aucune possibilité de s’enraciner sur elle. Appartenir à un pays, ne tient pas tant au fait de rester sur sa terre natale qu’à celui de se laisser féconder par son terroir.
C’est ainsi que les étrangers dont nous rejetons la présence comme étant différents de nous, seront les français de demain, non seulement par naturalisation, mais aussi par enracinement. D’ailleurs comment comprendre que la France se soit construite par l’apport, venu de l’extérieur de ses frontières, de tous ces gens dont pas un ne nous apparaît aujourd’hui étranger ?
S’il faut s’arrêter de rouler to gather moss, alors souhaitons qu’on puisse le faire là où l’on veut.
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(1) Proverbe cité en anglais pour rendre possible le calembour suivant : Despite what appears to be Mick Jagger's impressively dogged attempt to sleep with most of the models in London and despite his long-standing friendship with Kate Moss, journalists have not yet had occasion to wheel out the inevitable headline « Rolling Stone gathers Moss » ( Traduction : Malgré la tentative impressionnante et tenace de Mick Jagger de dormir avec la plupart des modèles à Londres et en dépit de son amitié de longue date avec Kate Moss, les journalistes n’ont pas encore eu l'occasion de titrer l’inévitable « Rolling Stone recueille Moss ») (Lire ici)

Wednesday, January 13, 2016

Citation du 14 janvier 2016

Chacun porte une langue prête à médire de l'étranger et se laisse aller facilement à le salir de ses propos.
Eschyle – Les Suppliantes (v. 490 av. J.-C.)
Les tragédies grecques sont encore à bien des égards très actuelles. Voyez cette citation d’Eschyle, qui remonte à 25 siècles. Quelle fraicheur ! Quelle actualité ! Quelle opportunité ! Puisque nous vivons dans un monde radicalement différent (par exemple notre société n’est plus fondée sur l’esclavage) nous devons attribuer cette communauté de conduite à notre nature et non à notre culture : il est dans la nature des hommes de médire des étrangers, et de les salir tant qu’il est possible.

Brandissons le poing et proclamons : « Maudite soit cette nature qui nous a faits si coupables de mépris ! » Bravo ! Voilà qui est dit. Mais le philosophe, il n’aurait donc rien à ajouter ?
Eh bien, si. Ne voyons-nous pas que cette tendance mauvaise ne se manifeste pas seulement à propos des étrangers : voyez ce qu’on dit des pédés. Et tant qu’on y est, écoutez les joyeux buveurs à la sortie du bar et qui voient passer une jeune et jolie fille.
Alors quand on fait des lois pour réprimer tout ça, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, l’homophobie, le harcèlement sexuel, etc., on entend les protestations. « Comment ? On n’aurait pas le droit de dire ce qu’on pense de tous ces gens ? Et la liberté d’expression, qu’est-ce que vous en faites ? »

Regardons-nous en face : le désir qui se manifeste ici, c’est le désir de mépriser et de haïr. C’est ça qu’on aime ; et pour cela il nous faut quelqu’un de méprisable – c’est à dire quelqu’un de plus faible que nous.

Monday, January 11, 2016

Citation du 12 janvier 2016

La peur des étrangers n'était pas /au 18ème siècle/ le sentiment éprouvé par celui qui était assiégé par une minorité inconnue et menaçante mais plutôt la crainte diffuse d'une chute sociale qui pouvait intervenir dans tout parcours.
Simona Cerutti – Étude d'une condition d'incertitude dans une société d'Ancien Régime.
Art Wiki
Lisons le début de l’article « Etranger » consacré par Wiki à l'historienne Simona Cerutti, qui se base sur une analyse des archives des États de Savoie au 18ème siècle : « le terme étranger peut très bien ne pas s'appliquer à une personne venue d'ailleurs, mais plutôt à une personne installée depuis longtemps qui peut parfaitement être définie comme étrangère : c'est l'appartenance au réseau local qui en est le critère. Par exemple, l'appartenance est reconnue à celui qui participe aux institutions charitables, tandis qu’elle est refusée aux miséreux. » (1)
On devine que les étrangers sont partout et même qu’il devrait y en avoir de plus en plus, puisque les réseaux sont multipliés par les procédés de communication actuels : le foisonnement des canaux de communication contribue à fractionner ceux qui les utilisent en groupes hétérogènes. Autrefois on appartenait à son village et tous ceux qui étaient regroupés autour d’un autre clocher étaient des étrangers ; de nos jours, il suffit de créer un réseau d’amis sur Internet et vous voilà intégré dans un groupe – ce qui veut dire que les autres qui n’en font pas parti sont … des étrangers. Bien sûr on va protester : nous sommes à l’époque de la mondialisation, force centrifuge qui s’oppose à la création de ces isolats. Bien sûr… mais admettons quand même que ces deux forces coexistent, et que la force centripète qui isole les étrangers doit être particulièrement forte là où la mondialisation est inconnue (dans les lointains villages) ou bien là où elle est redoutée (partout ailleurs).

Car voici le second point : « La peur des étrangers /résulte/ de la crainte diffuse d'une chute sociale » (Citation-du-jour). Oui en temps de crise économique, la peur est celle d’un déclassement social : peur du chômage ; peur que nos enfants vivent moins bien que nous. L’étranger est celui – quelle que soit sa nationalité – qui vient nous prendre notre travail, nos allocs, notre sécu. Dehors les étrangers ! cela veut dire : « Je refuse à tous ceux qui ne sont pas « de ma race » (comme diraient nos djeun’s) les emplois et les avantages sociaux redistribués par l’Etat. »
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(1) On suppose que ça marche aussi en ses inverse: quelqu'un "venu d'ailleurs" mais faisant partie du réseau local ne sera pas considéré comme étranger. Ca s'appelle l'intégration.