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Thursday, May 04, 2017

Citation du 5 mai 2017

Aucune guerre n’est jamais remportée. Elles ne sont même jamais combattues. Le champ de bataille ne fait que révéler à l’homme sa folie et son désespoir.
William Faulkner


Otto Dix – La folle de Sainte-Marie à Py – Gravure extraite du recueil Der Krieg (Voir ici)

Le champ de bataille ne fait que révéler à l’homme sa folie et son désespoir.
Voyez cette gravure d’Otto Dix : sur un champ de bataille (évoqué par les ruines de l’arrière-plan), une femme au regard halluciné, la bouche déformée par un rictus, presse son sein d’où coule son lait qui arrose un bébé posé à ses pieds. L’enfant est mort, un trou béant dans sa tête par où s’écoule son sang.
L’effet de  cette image est effroyable, sans doute parce qu’il est surdéterminé :
            1 – Il y a d’abord le rapprochement entre le sang et le lait. Le lait dont cette pauvre mère arrose son enfant paraît se transformer en sang qui forme une tache le long du petit corps inerte. C’est un fantasme fort bien connu : celui du sein qui donnerait du sang au lieu de donner du lait, et l’obsession de la morsure des seins sans doute en lien avec cela. Je n’irai pas plus loin faute de données analytiques : voyez votre « psy » habituel.
Mais il y a plus :
            2 – La folie est celle d’une mère qui ne comprend pas – qui refuse de comprendre – que son petit enfant est mort, qu’un éclat d’obus lui a arraché la vie. Mais cette « folie » est en même temps la révélation de la faillite de la raison, lorsqu’elle se trouve confrontée à l’impensable : la mort violente des petits d’hommes tués par la volonté farouche et explicite d’autres hommes. L’image en est insoutenable, qu’on se rappelle l’effet de celle du petit Aylan, noyé sur une plage de Turquie, ou de celui des enfants syriens morts asphyxiés au gaz sarin : Trump a balancé 50 missiles sur une base militaire syrienne rien que pour cela.

D’ailleurs les terroriste ne s’y trompent pas : lorsqu’ils veulent faire le plus d’horreur possible, c’est aux enfants qu’ils s’en prennent. Comme ces soldats (japonais durant la guerre à Nankin ?) qui pour terroriser les habitants d’un villages, montent l’étage des maisons et jettent par la fenêtre les petits enfants que leurs compagnons rattrapent du bout de la baïonnette. (Si vous vous en sentez le courage, allez voir l’image ici)

Sunday, April 23, 2017

Citation du 24 avril 2017

Les hommes sont des moutons. Ce qui rend possible les armées et les guerres. Ils meurent victimes de leur stupide docilité (Gabriel Chevalier - La Peur).
Jacques Tardi – C'était la guerre des tranchées, 1914-1918 –
Votre volonté, notre fierté.
Slogan de l’armée de terre

Si les hommes étaient des hommes, jamais ils n’iraient faire la guerre et encore moins se faire tuer comme des bestiaux à l’abattoir. C’est ce que disent les soldats revenus de la tuerie entre 1914 et 1918. Là dessus, on entend encore aujourd’hui le même discours à propos de ceux qui, justement ont refusé d’y aller et ont mis la crosse en l’air : ceux-là ont été fusillés et ce n’est que justice. Ne pas le faire serait injurier la mémoire ce ceux qui, justement ont eu le courage d’y aller – et d’y rester.
Oui, vous avez bien lu, c’est cela que disent effectivement les élus de la Nation au moment de réhabiliter les mutins de 17 (1). Mais aussi lisons bien ce que disent les recruteurs militaires : ce qui importe chez le soldat, ce n’est pas son courage ni ses passions à lutter contre les ennemis ; c’est la qualité de sa volonté : c’est elle qui est honore la nation. D’ailleurs le « brav’soldat » d’aujourd’hui aussi bien celui qui est sur le théâtre des opérations extérieures que celui qui aide la défense civile à sauver les habitants inondés d’un village. Finies donc les charges à la baïonnette pour enlever la position ennemie en étripant ses défenseurs ;  finis ces hommes qui foncent dans la mitraille sachant qu’ils ne feront pas trois pas avant de finir hachés menu. La sécurité est devenue le maitre mot du soldat, sécurité des civiles mais aussi celle des compagnons engagés dans le même bataillon.
C’est que la façon de tuer elle aussi a changé, avec ces drones pilotés au joystick depuis un bureau du Pentagone pour frapper en Afghanistan. Les tueurs sont devenus paisibles, et les tués n’ont plus rien à choisir : ça leur tombe comme ça, sur la tête, sans même qu’ils s’en aperçoivent…
La façon de mourir a donc changé… mais on meurt quand même – toujours aussi bien qu’avant.
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(1) Par exemple, en 1998 Jacques Chirac qui refuse la proposition de Jospin, alors premier ministre : « Le président de la République juge "inopportune" l'invitation du premier ministre à réintégrer dans la mémoire nationale, quatre-vingts ans après, les soldats français fusillés "pour l'exemple". » (L’humanité.fr). Aujourd’hui encore ce n’est pas le cas, même si l’opinion a évolué.

Thursday, November 10, 2016

Citation du 11 novembre 2016

En définitive, les victimes des guerres sont mortes pour rien. Seulement, elles sont mortes pour nous.
Georges Clemenceau – Discours de paix


Ce qui fait la force de certaines citations comme celle-ci est de ne pas conclure tout en conduisant invinciblement le lecteur à le faire de lui-même.
- Ainsi de notre Citation-du-jour qui use du schéma de la transitivité logique : si (a) implique (b) et si (b) implique (c), alors (a) implique (c). (1)
Donc si « mourir à la guerre » implique « mourir pour rien » et si «  mourir pour rien » c’est « mourir pour nous, » alors c’est que ce « rien  » n’est autre que « nous ». C’est d’une logique implacable, vous n’y pouvez rien changer.
Mais la force de cette conclusion inéluctable c’est aussi de nous obliger à admettre que ces victimes sont mortes de façon parfaitement inutiles, et que la patrie dont le drapeau a été rougi dans leur sang se bornera à le laver : ça pourra resservir pour la prochaine !
Conclusion cynique ? Oui, surtout en 1918, à l’époque où les familles éplorées cherchaient dans les honneurs officiels un semblant de consolation pour la perte des maris, des pères, des frères, des fils.
Cette  horrible guerre (pléonasme) a souillé les valeurs dont elle prétend s’orner : l’héroïsme qui consistait en réalité à rester le plus longtemps possible vivant sous les obus ; et l’honneur de mourir … pour la gloire des généraux.
D’ailleurs, il se peut qu’en ce jour on passe devant ces monuments aux morts érigés après la guerre. Nous en avons reproduits parfois quelques uns qui étaient forts contestataires (voir ici). Mais ce sont des exceptions – quoique : si tous rendent avec émotion hommage aux morts de la guerre et aux pauvres veuves et orphelins qui les pleurent, jamais – absolument jamais – n’apparaît le gradé qui leur a ordonné de marcher à l’abattoir.
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(1) Il s’agit de la transitivité de l’implication (voir ici)

Thursday, October 27, 2016

Citation du 28 octobre 2016

Ah Dieu! que la guerre est jolie. Avec ses chants, ses longs loisirs.
Guillaume Apollinaire – Calligramme, L’Adieu du cavalier (1913-1916)
Ce poème qu’Apollinaire publia en 1918 peu avant de mourir de la grippe espagnole, était dédié à un soldat mort au Chemin des Dames, là justement où le Poète fut blessé par un éclat d’obus.
Ce poème est imprégné de la douloureuse expérience de la vie dans les tranchées, lorsque le front stabilisé, les hommes de la première ligne tuent le temps faute de pouvoir tuer du boche. Mais la mort rôde, elle avance masquée sous le parfum du printemps réminiscence de la bien-aimée. L’adieu du cavalier est un peu comme le destin du Dormeur du val (1), lorsque la mort se cache sous les aspects les plus riants de la vie. Qui donc ne trouverait pas déchirant d’expirer dans un champ de fleurs ?
Je crois que c’est tout cela qu’il faut entendre dans le poème d’Apollinaire, et plutôt que d’ironiser sur le mode sarcastique, il faut imaginer que la guerre c’est tout cela à la fois, et le printemps et le sang versé – et le souvenir de la bien-aimée, et les entrailles qui se répandent ; et le poète qui rimaille pour tout le bataillon (2), et l’éclat d’obus qui pénètre dans son cerveau… Oui, rien de tout cela n’est plus aujourd’hui ; c’était du temps où la guerre durait suffisamment pour que la vie se développe autour, qu’elle l'enlace ses élans, de ses volutes, un peu comme le lierre qui grimpe sur les ruines. Aujourd’hui, on est juste un peu de conscience flottant dans l’air alors que notre corps vient d’être atomisé en 1/20ème de seconde…
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(1) Arthur Rimbaud – Le dormeur du Val, à lire ici.

(2) Apollinaire fabriquait à la demande de ses compagnons de tranchée des poèmes pour leurs maitresses.

Wednesday, October 26, 2016

Citation du 27 octobre 2016

Rosie a un chéri Charlie / Charlie est un Marine / Rosie protège Charlie / En travaillant sans limite avec sa riveteuse… Je suis Rosie la Riveteuse.
(Rosie’s got a boyfriend, Charlie / Charlie, he’s a Marine / Rosie is protecting Charlie / Working overtime on the  / riveting machineI'm Rosie, hm-hm-hm-hmm, the riveter
Chanson des quatre vagabonds – 1943 (lire iciécouter ici)


Affiche de Rosie la Riveteuse de N. Rockwell
qui s’est inspiré d’une peinture du prophète Isaïe
réalisée par Michel-Ange pour la chapelle Sixtine

Lisez ici l’histoire de Rosie, vous y apprendrez comment ce personnage imaginé pour célébrer l’effort de guerre des femmes américaines durant la seconde Guerre mondiale est devenu une véritable icône de la valeur des femmes, chanté par le groupe des Quatre vagabonds en 1943.
Appréciez la pose (imitée du plafond de la Sixtine !) montrant la jeune femme au moment du déjeuner avec son énorme pistolet riveteur sur les genoux et le pied posé sur le livre de Hitler… 
Ecoutez la chanson pour découvrir les vertus patriotiques de Rosie, avec son acharnement au travail qui lui fait rejeter les frivolités qui occupent habituellement les jeunes filles, patriotisme qui va jusqu’à acheter les bons du Trésor pour soutenir l’effort de guerre.
Mais tout cela c’est encore peu de choses pour Rosie, car voilà qu’en rivetant les carlingues, d’avions, elle ne fait pas seulement avancer l’Amérique vers la Victoire ; elle protège aussi son Chéri qui se bat sur le front et qui aura le bénéfice de la couverture aérienne grâce à ces avions que Rosie vient de fabriquer.

On le voit, si les femmes amantes et ouvrières-citoyennes ont gagné en émancipation grâce à la guerre, elles ne l’ont pas eue gratuitement.
Curieusement on retrouve à peu près le même thème que dans la propagande soviétique pour célébrer le courage des femmes qui ont pris la place des hommes sur les tracteurs et dans les usines : même vêtements même attitude, mêmes « biscoteaux ».

Affiche de J. Howard Miller (1942)

Au fond ce qui différencie ces images de la femme de celles qu’on voit aujourd’hui, c’est que de nos jours, les femmes peuvent rester beaucoup plus féminines lorsqu’elle sont au travail comme les hommes.