Wednesday, November 30, 2016

Citation du 1er décembre 2016

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
Lavoisier (1743-1794)
Combien de siècles ont été nécessaires pour que cet adage, dû au grand savant que fut Lavoisier (le père de la chimie moderne), devienne une évidence observée sur le terrain ?
Car voilà que cette affirmation ne vise plus seulement des molécules vagabondes, mais bel et bien des objets visibles et tangibles : nos déchets.
Il a fallu qu’il y ait partout sur la terre, aussi loin que possible de la présence des hommes, des traces observables de leur activité sur la nature – telles que celle-ci :

 
Gyre océanique… de plastique
L’existences de « gyres océaniques » remplies de déchets plastiques est la stupéfiante découverte réalisée il y a quelques décennies de ces concentrations de déchets issus de l’activité industrielle des humains, en particulier de leurs vieux emballages, piégés par les courants dans de vastes tourbillons qui les conservent dans des amas toujours plus vastes (on parle même de 6ème, 7ème, 8ème continent).
Bien sûr tout le monde sait cela et on pense qu’il y a des organisations très puissantes et très efficaces qui se chargent de recycler ces déchets : puisqu’on ne peut contourner l’adage de Lavoisier, puisque que rien ne peut disparaître, mais que tout doit inéluctablement se transformer, alors faisons en sorte que cette transformation soit vertueuse. Voilà ma bouteille vide – Vite : transformons-là ! Et la voici devenue une fibre  textile bien chaude : 67 bouteilles vides et hop ! voilà une couette pour deux.
Seulement une autre vérité scientifique nous guette pendant que nous nous ébrouons sous la couette avec notre bonne amie : c’est l’entropie. (1)
A un moment où à l’autre, on ne pourra plus recycler tous ces déchets, il faudra ou bien les abandonner dans la nature ou bien les incinérer – ce qui revient à les abandonner dans l’atmosphère. Car, on ne vous l’a pas dit, mais le trou dans la couche d’ozone et le CO2, sont aussi liés aux transformations de nos déchets.
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(1) L’entropie correspond au degré de désordre dans un système donné (exemple : dans un jeu de cartes, l’entropie est maximum quand on a autant de chance de tirer une carte rouge qu’une carte noire). Ici on fait appel à l’idée de désorganisation d’un système préalablement ordonné.

Tuesday, November 29, 2016

Citation du 30 novembre 2016

La démocratie est une technique qui nous garantit de ne pas être mieux gouvernés que nous le méritons.
Bernard Shaw
Suite à l’élection américaine qui amène à la Maison Blanche un bouffon, l’idée qui nous vient est quand même celle-là : « Les américains l’ont bien mérité. C’est eux et eux-seuls qui ont donné le pouvoir à cet homme. S’il est grossier et dangereux, c’est que ses électeurs aiment ça – peut-être le sont-ils également eux-mêmes... »
D’ailleurs il n’est que de voir avec quelle insistance on dénombre les voix obtenues : 2 millions de plus pour Hillary que pour Donald ! On cherche la preuve que c’est le système électoral et non la démocratie véritable qui a permis cette élection… (1) Le débat reste ouvert, mais restons au niveau de l’affirmation de notre Citation-du-jour : est-ce que vraiment en démocratie, les électeurs choisissent les gouvernants qui leur ressemblent ? Ne devrait-on pas dire qu’au contraire ils recherchent le meilleur, l’homme que justement ils ne sont pas, sans quoi ils se seraient gouvernés eux-mêmes ?
Au fond la démocratie est le régime qui permet de poser cette question à propos des dirigeants : pourquoi celui-ci plutôt que celui-là ? Est-ce l’origine sociale de sa famille ? Sa religion ? Sa personnalité ? Ses mérites personnels, qu’il soit héros de la guerre ou milliardaire ? Ou bien son programme ?
Puisque la réponse appartient au peuple, on voudrait que ce soit uniquement la dernière proposition : programme contre programme, et que le meilleur gagne ! Mais il est difficile d’y croire – voyez chez nous : un candidat clame qu’il veut réduire les impôts des plus riches, augmenter les taxes sur la consommation, remplacer la sécu par des mutuelles payantes, remplacer les 35 heures de travail hebdo par 39 heures, réduire les indemnités chômage, etc… Or, voilà qu’une majorité d’électeurs se précipite sur ce candidat : Pourquoi donc ?
            - Soit (Réponse A) : c’est la preuve de la maturité des électeurs qui comprennent que sans sacrifice il ne sera pas possible de redresser le pays ;
            - Soit (Réponse B) : c’est la preuve de la forte personnalité du candidat qui se dit déterminé à réaliser ces réformes radicales (les quelles ? On n’y fait guère attention) alors que les autres sont considérés comme des ramolos.
--> Qui donc a raison ? Attendons : quand les réformes seront faites voyons combien de manifestants seront dans la rue.
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(1) Moi je n’y crois pas : le peuple américain est unanimement d’accord avec le système en question, sans quoi sa réforme aurait été un thème de campagne, comme chez nous avec la proportionnelle.

Monday, November 28, 2016

Citation du 29 novembre 2016

Les faiblesses des hommes font la force des femmes.
Voltaire
Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.
La Boétie – Discours de la servitude volontaire.
Thèse : la force et la faiblesse ne sont que des valeurs relatives, ainsi : ce sont les faiblesses des hommes qui font la force des femmes. Et les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux
Antithèse : la force est une action mécanique d’un objet sur un autre. On peut mesurer son intensité en newton (symbole : N) (1)
On comprend que s’il y a « thèse » et « antithèse », c’est parce que d’un côté on pense qu’il est impossible de mesurer la force, et que pour l’évaluer il faut un degré de comparaison (on dit « plus fort que… » comme on dit « plus beau que … », sans pouvoir dire de combien), alors que de l’autre on peut avoir une mesure de la force, sans se soucier de faire une comparaison.
o-o-o
Voyez ça :


La femme qui porte le gros camion est-elle plus forte que l’homme qui le conduit ? Evidemment s’il n’est pas Superman. Mais l’important ce n’est pas cela : c’est de savoir à combien de newton (N) évaluer la force de cette Superwoman.
Manifestement, l’image reproduite ici se plait à inverser les codes : alors que la femme est habituellement comparée aux hommes pour des qualités morales (celles qui justement peuvent subir une variation du fait de la faiblesse des hommes), la voilà qui l’emporte dans un « jeu de force basque » très physique.
Mais revenons à l’avertissement de Voltaire : faut-il négliger la force morale, qui vaut non seulement pour le rapport homme/femme, mais aussi pour le rapport maitre/serviteur ou patron/salarié, comme le rappelle La Boétie ?
Car en réalité, la notion de force herculéenne, avec ces colosses de foire qui soulèvent des troncs d’arbre ou des sacs de sable, nous font bien rire aujourd’hui. L’incroyable force qui consiste à soulever un énorme camion fait hausser les épaules : pour faire cela, il y a des grues, qui peuvent être manœuvrées par un gringalet – ou par une minette épaisse comme un haricot vert. Quelle importance ? Par contre imposer son autorité d’un seul regard parce qu’on a su transmettre le message qu’on ne céderait pas, qu’on a une force de caractère inoxydable : voilà la vraie force, celle qui se mesure non pas en newton (N) mais en individus subjugués.
Et là inutile de recourir à des machines super-puissantes.
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(1) Les nuls en physique pourront avantageusement lire ceci.

Sunday, November 27, 2016

Citation du 28 novembre 2016

Les choses n'ont pas de signification : elles ont une existence.
Pessoa – Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes
Quand donc une chose a-t-elle une signification ? Quand on peut la rapporter à autre chose. Une chose a autant de significations différentes que de mises en rapports différents avec différentes choses : l’écurie a une signification  pour le cheval et une autre pour le voyageur.
Logiquement, les choses pour autant qu’elles existent ont banalement une existence, mais pas forcément de signification. On objet quelconque que je ne rapporte à aucune fonction ni à aucun usage, ne cesse pas d’exister pour autant ; simplement il est rétrogradé au stade du caillou dans le désert.
Donc contrairement à ce que dit Fernando Pessoa, les choses ont une signification dès lors qu’une conscience s’en empare et établit une liaison avec d’autres choses : un paysage c’est un ensemble de choses que mon regard prend comme un tout, même si chacun des éléments pourrait fort bien être totalement indépendant des autres. On peut dire que les planètes qui roulent dans le cosmos n’ont aucune signification dès lors que nous ne les voyons pas, que nous ne pouvons leur attribuer une signification.
Voyez Pluton :

« Quelle étrange planète, dites-moi ? Qu’est-ce que c’est que ce cœur ? Quel sens cela peut-il bien avoir ? Y a-t-il là-bas un amoureux qui passe l’éternité à écrire son amour sur la glace, un peu comme nous sur le tronc des arbres ? » Et pourquoi pas, mais aussi acceptons de dire qu’avant qu’un engin fabriqué par les hommes aille photographier tout ça, ça existait déjà, mais ça n’avait pas reçu de sens – car interroger sur le sens c’est déjà en avoir.


Pessoa imagine notre monde comme une planète sans observateur. Il aura raison dans … quelques milliers de siècles, quand nous aurons fini de cramer toutes les ressources de notre bonne vieille terre et que la dernière conscience aura fermé les yeux.

Saturday, November 26, 2016

Citation du 27 novembre 2016

Jadis le moi se cachait dans le troupeau ; à présent, le troupeau se cache encore au fond du moi.
Nietzsche – La volonté de puissance
Le troupeau est une réalité qui peut très bien faire envie : dans la foule qui le symbolise très bien, être un individu anonyme permet de rester caché même quand est vu parce que le regard glisse sur soi, n’ayant aucune aspérité, aucun détail qui le différencie des autres et justifierait qu’on s’y arrête. Oui dans la foule on est abrité tout comme le petit mouton dans son troupeau.


On l’a compris, le moi est forcément antagoniste au troupeau et sans un danger imminent ou en dehors de la contrainte du berger, on ne voit pas comment il pourrait se fondre dans la masse.
Sauf que ce troupeau peut fort bien être intériorisé par le moi. Selon un phénomène bien connu de massification, la personne s’identifie à la multitude, elle en adopte les valeurs et le comportement. Me voilà donc moi, seul dans ma chambre, devenu véritablement un exemplaire de tous les autres – mieux même : j’en adopte le comportement sans même avoir besoin d’être au milieu d’eux. Comparons avec le banc de poisson : chacun des petits poissons, sans même avoir besoin de regarder les autres, se déplace instantanément dans la même direction que tous, faisant demi-tour à l’instant même où ils le font. Le troupeau est dans le moi, au sens où non seulement il est déterminé par l’aspect de tous les autres, mais encore où il impose le même comportement.
Un exemple ? Le comportement électoral. Il y a une semaine le candidat du parti libéral à la primaire aux présidentielles voyait son score exploser les pronostics : d’un bout à l’autre  de la France, sans se concerter ni être manipulée, une quantité d’individus est allée voter pour lui, faisant un demi-tour surplace, exactement comme les poissons dont nous parlions tout à l’heure.

Qu’on ne sache pas pourquoi, cela importe peu ; certes, on voit bien que sans cela les sondages d’opinion ne serviraient à rien, mais on doit comprendre aussi que ces derniers ne créent pas le phénomène, puisqu’ils ne peuvent exister que si lui-même existe déjà.