Monday, April 30, 2012

Le 1er mai 2012


Travailler c’est trop dur… (Julien Clerc)
Je ne veux pas travailler… (Pink Martini)
Le jour du 14 juillet / Je reste dans mon lit douillet. (Brassens – La mauvaise réputation)

Conformément à sa règle, La Citation du jour suspend son activité le 1er mai pour cause de fête du travail.
Pour ce 1er mai, j’avais pensé offrir à mes lecteurs  un florilège des chansons protestataires concernant le travail, et puis…
…et puis voilà qu’on nous annonce deux rassemblements des travailleurs (les « vrais » de Notre-(encore)-Président et ceux des syndicats) : l’un à Denfert-Rochereau et l’autre au Trocadéro.
Choisis ton camp, camarade…
Marche au  pas, camarade, et suis ton maitre…
Dès lors je n’ai qu’une réponse possible : rester dans mon lit douillet au lieu d’aller marcher derrière des banderoles. C’est notre ami Brassens qui l’a dit : il a bien raison. Allez vous recoucher.
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Allez, soyons sympas : voici l’itinéraire du défilé des syndicat pour ceux qui voudraient quand même montrer qu’ils ne sont pas au Trocadéro :
-->Départ à 15h de la place Denfert-Rochereau, puis défilé en direction de la place de la Bastille en passant par l’avenue Denfert-Rochereau, le Boulevard Saint-Michel, le Boulevard Saint-Germain, le Pont de Sully et le Boulevard Henri IV.

Sunday, April 29, 2012

Citation du 30 avril 2012


Qui n'a rien, ne risque rien.
Guy Bedos – Extrait d'une interview dans Playboy – 1976
Une idée bien simplette, n’est-ce pas ? Mais si nous pensions aussi à la réciproque : Qui ne risque rien, n’a rien ? Là, ça deviendrait un peu plus intriguant.
Voyons ça :
1 –  le risque n’existe que là où il y richesse – ou si l’on veut un bien précieux.
C’est ainsi que celui qui n’a plus rien, le pauvre, le misérable, le sans-domicile, a encore sa vie à risquer – il peut se faire mercenaire ou prostitué(e). La vie est encore un bien, sauf pour le désespéré, qui lui en effet, n’a plus rien à perdre.
2 – Mais réciproquement le risque est aussi source de richesse. Prendre des risques mérite récompense ou rémunération : à chaque fois que j’engage un bien, si je prends le risque de le perdre, je peux demander une contrepartie (1). C’est ainsi qu’au moyen âge, l’Eglise a fini par accepter sous cette condition les prêts à gage. Lorsqu’arrivant sur une foire de Champagne un marchand achetait des pièces de draps pour les revendre sur place, il empruntait pour cet achat le matin l’argent qu’il allait restituer le soir. Mais alors il restituait le capital augmenté d’un intérêt, non pas parce qu’il s’était enrichi grâce à cet argent, mais parce qu’il avait fait prendre le risque au bailleur de ne pas le récupérer.
Du coup, on voit que le ressort de l’économie financière est précisément le risque. C’est lui – et non la productivité – qu’on rémunère, et la crise actuelle  nous fait prendre conscience que l’importance des gains est proportionnelle au risque de tout perdre, un peu comme à la roulette où l’on gagne d’autant plus qu’on risque d’avantage de perdre.
On voit également que le fait de comparer les financiers à des joueurs de casino ne devrait pas être pris comme une critique, mais bien comme une évidence. Oui, la finance est un jeu qui suppose de hasard – un jeu où néanmoins les joueurs sont rationnels, c’est-à-dire qu’ils cherchent l’équilibre entre la confiance et le risque.
C’est d’ailleurs ça qui se révèle dans les soubresauts de la crise financière : si les traders perdent tant d’argent sans sourciller, c’est justement parce que c’est comme ça et  pas autrement qu’ils peuvent en gagner.
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(1) On se rappelle que Marx définissait ainsi le capitaliste : c’est l’homme qui prend le risque de faire circuler son argent au lieu de l’entasser dans des coffres.

Saturday, April 28, 2012

Citation du 29 avril 2012


Par testament, dame Denise / Quoiqu'elle possédât un ample revenu, / Ordonna que son corps fût inhumé tout nu / Pour épargner une chemise.
Jacques de Cailly dit chevalier d'Aceuilly (1604-1673) Epitaphe d'une avare

Il faut mettre du Calgon, madame Denise ! Sinon, vous allez la tuer votre machine !
On se demandait bien ce qu’avait inventé madame Denise pour éviter que sa machine à laver ne fasse encore un coup de calcaire.
Eh bien, voilà : on l’a retrouvée dans ce bizarre accoutrement entrain de pousser son Caddy chez Ikea :


 Doit-on croire qu’elle va comme ça pour épargner une chemise. Pas du tout !
Voilà la vérité : à force de faire tourner sa machine à laver sans Calgon, elle l’a tuée ! Et du coup, elle n’a même plus une chemise propre à se mettre.
Mais qui donc est cette pauvre « Madame Denise », incapable de laver correctement son linge ?
Elle n’est autre que l’arrière-petite-fille de la mère Denis. (1)
Ça vous ne l’auriez pas deviné !
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(1) Pour les petits jeunes qui ne connaissent pas la Mère Denis : une remise à niveau ici.

Friday, April 27, 2012

Citation du 28 avril 2012


Quand on m'enterrera, je veux qu'on écrive sur ma tombe : ELLE COMPTAIT A SES PROPRES YEUX.
Elsa Lewin – Moi, Anna. (Citation trouvée sur Les Grigris de Sophie)
A quoi bon une épitaphe ? En ferez-vous graver une sur votre tombe ? Pourquoi faire ? A qui serait-elle adressée ?
Je suppose qu’on ne se pose jamais ces questions, parce qu’on estime qu’elles ne se posent pas. Une tombe est une tombe, et tout ce qu’on écrit dessus prend d’un coup un sens formidable, simplement parce que c’est là.
Pour ceux que ce genre d’argument n’impressionne pas, quelques remarques s’imposent :
- Une épitaphe, si j’en crois le dictionnaire est : une inscription mise sur un tombeau pour rappeler le souvenir d'une personne morte (soit par la simple mention de son nom, de ses dates, soit par un texte évoquant souvent de façon élogieuse sa personnalité ou les principales étapes de sa vie). (Source : TLF).
            - Le « pourquoi ? » de l’épitaphe est donc de signifier la vie de la personne ici ensevelie.
            - Elle s’adresse au passant qui la lit.
Passons maintenant à l’essentiel : est-ce donc une façon élogieuse d’évoquer la personne en question que de dire : ELLE COMPTAIT A SES PROPRES YEUX. ? Ne s’agit-il pas d’un banal narcissisme, ou – pire encore – d’un insupportable d’orgueil?
C’est là que l’épitaphe joue son rôle : si quelqu’un a cru bon mettre ça sur sa tombe, c’est que ça veut dire autre chose…
Comme par exemple, que pour compter vraiment, il n’est pas indispensable d’être un surhomme ou une superfemme, mais qu’au moins on sache qu’on a le devoir de s’efforcer de l’être. Que ce qui compte, c’est l’idée qu’on se fait de soi-même.
Certes, ça ne nous rendra pas heureux pour autant. Mais on pourra au moins avoir de l’estime pour soi-même – du moins pour le « soi-même » qu’on imagine inséré tout au fond de notre âme.
Oui, mais si cette icone qui est au fond de nous y est restée bloquée ? Si on n’est pas arrivé à grand-chose au cours de notre vie, avec un pareil projet ne risque-t-on pas de se sentir vraiment minable ?
Peut-être. Mais même dans ce cas, on peut encore avoir de l’estime pour soi.
Car, comme le disait Nietzsche : L’homme qui se méprise s’estime de se mépriser.

Thursday, April 26, 2012

Citation du 27 avril 2012


L’esprit humain n’a pas de bornes, il s’étend à mesure que l’univers se déploie.
Buffon.

Schémas publiés par Sciences et avenir Avril 2012

Il y a quelques jours, j’affirmais que j’aurais aimé vivre au 18ème siècle, pour son paisible hédonisme.
Il ne faudrait pas oublier quand même d’y ajouter l’optimisme.
Celui de Buffon éclate presque à chacune des pages de son Histoire naturelle, comme on le voit ici : l’affirmation du développement indéfini de l’esprit humain est quelque chose qui est chez lui ancré plus dans la foi humaniste que dans la connaissance scientifique de son époque.
- Nous arrivons aujourd’hui, grâce à l’imagerie médicale à savoir un peu mieux comment fonctionne le cerveau. Comme Buffon le supposait notre cerveau est la condition mais aussi l’expression du travail cérébral : comme un muscle qui se développe grâce à l’effort, les neurones multiplient leurs connexions du fait des stimulations que nous leur faisons subir (voir tableau ci-contre). (1)
C’est ce qui fait que notre cerveau est conditionné non pas (seulement) par notre âge, ni par notre naissance, mais par nos efforts intellectuels. Du coup, le « déclin cognitif » n’est plus considéré comme une fatalité – d’ailleurs quand j’étais étudiant on le situait aux alentours de 25 ans (âge où l’on supposait que les neurones commençaient à crever…) ; aujourd’hui on le croit situé à 45 ans, et on voit bien qu’il reflète une réalité qui est plus culturelle que physiologique.
Maintenant, ma curiosité n’est pas complètement satisfaite : y a-t-il des neurones « dédiés »  à certaines tâches ? Des neurones qui se multiplient par des stimulations répétées, alors que leurs copains à coté crèvent misérablement ? Parce qu’alors il y aurait finalement des cerveaux habiles en mots fléché et en mots cachés (et en Sudoku ? Oui, peut-être aussi), mais qui seraient infoutus de faire autre chose, comme de lire de la poésie ou de comprendre le mode d’emploi de la Freebox.
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(1) Et ce sont ces connexions qui font qu’ils existent –  car ils n’existent qu’à condition d’exister les uns pour les autres. Belle leçon de morale civique !

Wednesday, April 25, 2012

Citation du 26 avril 2012


Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille / Applaudit à grands cris.  / Son doux regard qui brille / Fait briller tous les yeux,
Victor Hugo – Lorsque l'Enfant Paraît (Déjà cité le 25.12.2011)
Voilà madame : vous allez donner naissance à votre premier enfant, et comme nous vous l’avons suggéré hier, vous avez fait une échographie morphologique et on a même tiré un « portrait » de votre bébé avant qu’il naisse.
Bon. Maintenant vous vous préparez à le mettre au monde, et vous êtes si impatiente de le voir réellement, de le rencontrer, de le presser sur votre poitrine – votre enfant.
Du coup vous rêvez sans doute de l’univers d’Anne Geddes, cette photographe australienne qui commercialise toutes sortes d’images de bébés – certains justement dès l’instant de leur naissance.


Anne Geddes - Photographie
Seulement, voilà : peut-être faut-il aussi vous préparer à ce qu’il ne ressemble pas tout à fait à ces charmantes images ; imaginez qu’il soit un tant soit peu comme ce portrait qu’en fait Otto Dix.


Otto Dix – Naissance 1927
Conclusion : à vous de dire.

Tuesday, April 24, 2012

Citation du 25 avril 2012


Déjà à l'Annonciation, lorsqu'elle conçoit du Saint-Esprit, les yeux de son cœur se concentrent en quelque sorte sur Lui ; au cours des mois qui suivent, elle commence à ressentir sa présence et à en pressentir la physionomie
Jean-Paul II – Lettre Apostolique Rosarium Virginis Mariae (16-X-2002), n. 10

Dans la série Les inventeurs visionnaires – aujourd’hui : l’échographie.
La Vierge Marie imaginant le visage de son divin enfant pendant la période de la gestation :
L’idée paraît saugrenue, mais elle n’a pas semblée blasphématoire au Pape Jean-Paul II ; lui qui vouait une telle dévotion à Marie ne pouvait imaginer autrement cette attente. Et toutes les mamans aujourd’hui sont comme la Vierge Marie : en attendant la naissance de leur bébé, elles l’imaginent, aidées en cela par la médecine qui a inventé l’échographie morphologique. Car, si la vierge Marie avait les « yeux de son cœur » pour cela, nous, nous avons besoin de l’échographie avec sonde à ultrasons et effet Doppler ; c’est moins miraculeux mais c’est quand même efficace.
- Alors, certes, ce dispositif n’a pas été inventé pour tirer le portrait du fœtus, mais pour mesurer « le diamètre abdominal transverse, le périmètre abdominal et la longueur fémorale ». Mais que voulez-vous ? depuis toujours les mamans veulent être sûres que leur petit sera bien normal et – surtout – qu’il sera le plus beau de la terre : on ne va pas les empêcher de détourner un peu les avancées de la sciences pour satisfaire leur curiosité angoissée.
Quant aux grincheux qui râlent toujours contre ces futilités des gens d’aujourd’hui, qu’ils se rabattent plutôt sur les utilisateurs du téléphone qui mobilisent une technologie gigantesque avec micro-ondes, antennes relais et tout ça… pour simplement demander à leur correspondant « Où tu es ? Moi je suis dans bus… »

Monday, April 23, 2012

Citation du 24 avril 2012

Qui parle sème ; qui écoute récolte.
Proverbe Persan (à moins que ce ne soit une citation de Pythagore)
Les proverbes sont souvent révélateurs d’une civilisation, et des rapports de pouvoirs qui la soutiennent.
Comme avec celui-ci (dont on dit qu’il s’agit d’un proverbe persan, mais que certains attribuent sans trembler à Pythagore), qui situe la parole non dans le va-et-vient du dialogue mais dans le trajet qui va du magister au disciple. La parole ne peut aller que du plus (d’autorité) vers le moins (de sagesse), un peu comme le courant électrique à l’extérieur du générateur (1). Le disciple ne dialogue pas avec le maitre ; il ne lui adresse la parole que pour l’inciter à semer encore, d’avantage…
Du coup d’autres métaphores du même genre viennent à l’esprit.
- Comme celle qui évoque la stérilité de la parole en disant qu’on prêche dans le désert. Dans ce cas (comme le montre cet excellent commentaire), à moins d’être, comme saint Jean-Baptiste, capable de faire venir au fond du désert les néophytes qui se baladeraient dans le coin, on parle sans jamais être écouté.
- Mais la parole stérile est aussi parfois comparée à de la « masturbation intellectuelle » - expression qui signifie couramment qu’on se donne du plaisir solitaire en  parlant pour soi-même et en « s’écoutant parler ». Toutefois, le proverbe qui compare le parleur au semeur est enrichie par cette métaphore, qui suggère que si la production du parleur solitaire reste stérile, c’est parce qu’elle ne va pas là où elle devrait aller. Comme les malheureux spermatos dont on parlait récemment, voilà toutes ces belles phrases qui, au lieu de pénétrer dans l’oreille du disciple et de là dans son cerveau pour le féconder, filent droit dans le néant (2).
Le néant ? Quel néant ? Le cyber-espace ?
On a cru un moment que les Blogs et autres sites du Net correspondaient au désert de saint Jean-Baptiste, ou encore que le message mis en ligne était comme la bouteille jetée à la mer. Mais c’était sans compter les réseaux sociaux qui assurent ceux qui y parlent qu’il y a leur réseau pour les écouter.
Ce ne sont peut-être pas encore des disciples ; mais ce sont déjà des « amis ».
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(1) J’aurais aimé pouvoir filer la métaphore avec la circulation des électrons à l’intérieur du générateur, du moins vers le plus, mais j’avoue que je n’ai jamais très bien compris la chose.
(2) Chez les grecs anciens, la même « idée » avait cours, mais ce n’était même pas une métaphore (du moins ils semblaient y croire vraiment) : le pédagogue avait des relations pédérastiques avec ses élèves (garçons, évidemment) parce qu’on imaginait qu’il injectait un peu de sa science au cours de l’acte copulatif.

Sunday, April 22, 2012

Citation du 23 avril 2012


…à moins que le gars ne m'enlève ma culotte avec ses dents … j'embarque pas.
Belles paroles vides – Blog de l’Impulsive Montréalaise (1)
Le seul problème qu’on se pose  / C’est de séparer en deux portions / Cinquante-cinq kilos de chair rose / De cinquante-cinq grammes de nylon
Claude Nougaro – Les Don Juan
[Un grand merci à l’Impulsive Montréalaise qui nous régale de ses textes que je vous invite à découvrir ici – si vous ne les connaissez pas encore]
Comme on  le voit, la Montréalaise qui écrit ce Post est effectivement impulsive, et elle nous donne assez crûment une leçon de séduction, à nous les séducteurs impénitents qui pourtant devraient savoir ce qu’il faut faire depuis que Claude Nougaro nous l’a chanté.
C’est pourtant vrai que les séducteurs « mains frôleuses et œil luisant » pour poursuivre avec Nougaro, sont moins vaillants quand leur proie prend les devants, devenant à son tour chasseresse.
Réciproquement, il y a des dames qui crient « au harcèlement sexuel », quand le collègue du bureau les frôles de trop près, mais qui seraient charmées quand l’envie leur en  prend, de se faire culbuter dans les foins. Ah !... se faire culbuter dans les foins… Se faire « fointer », pour parler comme mon amie Olivia... (2)
…Oui, tout cela est bien connu… Mais il n’y a pas que cela.
Car ce qui me charme dans ce texte, ce n’est pas seulement son contenu, c’est aussi son écriture.
Je suis un amoureux de la langue française, et je l’utilise du mieux que je peux. Mais bien sûr le français que j’utilise est celui qu’on parle aujourd’hui en France. Or, il faut le reconnaitre, au cours de l’histoire notre langue a évolué de multiples façons, passant par toutes sortes d’étapes, chaque étape nouvelle effaçant les acquis de l’étape précédente. Pourtant ce passé est parfois resté vivant et a continué d’évoluer selon ses règles propres dans des pays lointains où le français s’est enraciné.
Voyez les pays africains : on y parle – jusqu’au fond de la brousse – un français châtié, qui sent bon son 17ème siècle : Racine et Boileau ne sont pas loin !
Voyez les gens du Québec : leur français gouteux et dru est plus proche de Montaigne et de Rabelais que de la langue de Michel Houellebecq. Et c’est très bien comme ça.
--> D’ailleurs puisqu’on en parle : Rabelais, justement n’aurait-il pas lui-aussi enlevé les culottes des dames avec les dents (au cas bien sûr où elles en eussent portées à son époque) ? (3)
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(1) Extrait du texte : « Je parle des gentils garçons qui veulent nous encourager/réconforter/aider à avoir confiance en nous. À avoir confiance en notre pouvoir de séduction plus précisément.
Ils ne tarissent pas d'éloges. Ou presque. Du moins, se montrent fort encourageant. Nous disent qu'on n'a qu'à piger. Que plein d'hommes nous regardent. Qu'on a à offrir. Qu'on est intelligente et intéressante. Bla bla bla.
(…) En fait, pour tout dire, à moins que le gars ne m'enlève ma culotte avec ses dents (si je suis d'accord et que le gars me plaît bien entendu) après avoir dit ça, ou à moins qu'il ne m'offre quelques fleurs et un souper au restaurant, j'embarque pas. » A lire in extenso ici.
(2) On le constate : nous aussi nous savons faire des choses savoureuses avec la langue (française : qu’alliez-vous imaginer ?)
(3) Il faut dire que le progrès de la civilisation passe aussi par l’invention de la petite-culotte. Voyez ça.

Saturday, April 21, 2012

Citation du 22 avril 2012


1 – Prend le ballay et tout à l'environ / Va nettoyant la meule et le gyron,
Joachim Du Bellay
2 – Coup de balai, brusque changement qui fait place nette en évinçant une équipe en place. Quand il y a un coup de balai, il s'arrange pour être du côté du manche. Du balai ! déguerpissez !
Dictionnaire de l’Académie française – 1932-35
3 – J'ai eu moi-même de vagues échos de la grande terreur des années 1898 et 1899 (par ma mère et aussi par ma marraine qui emplissait sa baignoire d'eau potable en prévision d'une grève générale qui n'eut jamais lieu). À cette époque on redoutait le coup de balai anarchiste.
GREEN, Journal, 1935-39
Pour beaucoup, en France, ce 22 avril rappelle une date fatidique de 2002 (en fait c’était le 21 avril), lorsque l’extrême droite, réalisant ce que certains ont considéré comme un holdup électoral se qualifiait pour le second tour des élections présidentielles, excluant de la course le candidat socialiste.
La Citation du jour ne reste pas insensible à ce souvenir, mais soucieuse de respecter la légalité qui impose la plus stricte neutralité politique ce week-end, elle ne donnera aucun conseil de vote, se bornant à rappeler l’usage du balai, pour expulser la poussière et les détritus de l’environnement.
Les citations ci-dessus montrent qu’un sens métaphorique s’est également développé, avec le « coup de balai » qui évoque le fait d’évincer une équipe en place ; de là, un usage électoral devenu célèbre (et maintes fois copié) du balai par Arnold Schwarzenegger lors d’élections californiennes.
Reste que le balai a été aussi un moyen de transports chez les sorcières qui, le temps passant, a fini par séduire aussi les sorciers, ainsi que le révèle ce catalogue de vente en ligne.

Libre à vous d’utiliser ce balai pour vous rendre au bureau de vote. Mais laissez-le à la porte : ce genre d’allusion serait mal toléré à l’intérieur. (1)
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(1) Pour mémoire, en 2002 certains électeurs qui allaient voter pour Jacques Chirac contre leur gré, simplement pour faire baisser le score du candidat d’extrême droite, ont prétendu le faire en arborant sur leur nez une pince à linge. Ils ont été rejetés comme trahissant leur option politique.

Friday, April 20, 2012

Citation du 21 avril 2012

L'ignorance savante est supérieure au savoir ignare.
Marc Gendron – Minimal Minibomme
«  L’oxymore est une figure de style qui vise à rapprocher deux termes (un nom et un adjectif) que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire.
L'oxymore permet de décrire une situation ou un personnage de manière inattendue, suscitant ainsi la surprise. Il exprime ce qui est inconcevable. Il crée donc une nouvelle réalité poétique. Il rend compte aussi de l'absurde. »
Wikipédia – Définition
[La citation de Gendron servira ici d’exemple pour une évocation de l’oxymore.]
Selon la définition de Wikipédia, l’oxymore, en accouplant des mots, fait jaillir des réalités. Qui  plus est, ces chimères verbales doivent être inconcevables, incongrues, puisqu’on va réunir par l’oxymore deux termes que leurs sens devraient éloigner.
Reste que ces « réalités » nouvelles sont de l’ordre de la poésie ; aucun espoir d’en tirer quelque chose qui soit de l’ordre de la philosophie, puisqu’à sortir de la poésie, on tombe dans l’absurde.
Voyons un peu : « l’ignorance savante » est supérieure au « savoir ignare » - est-ce du non-sens ? Ne peut-on en tirer autre chose qu’un effet rhétorique ?
Pour cela, laissons de côté le fait qu’il s’agit d’un accouplement d’oxymores, et que, comme l’oxymore est déjà un accouplement, on a ici affaire à un accouplement de couples. De toute façon, comme on va le voir, il ne s’agit pas d’un ménage à quatre.
Car en effet, on pense dans cette formule les rapports possibles entre la science et l’ignorance. Et comme on le sait, Socrate avec sa formule : « Je suis le plus sage parce que je sais que je ne sais rien » - et Nicolas de Cues à qui l’on doit la « Docte ignorance » n’ont pas craint d’offenser le bon sens avec ce genre de rapprochement. Nous en avons déjà  parlé (ici) : les ignorants curieux s’y reporteront.
Par contre qu’est-ce donc que ce « savoir ignare » ? Comment la science peut-elle rendre ignare, puisqu’il est, comme le dit le dictionnaire, celui qui manque d'instruction, de culture; qui est profondément ignorant.
On trouvera pourtant la réponse facilement, d’abord chez Platon, ensuite chez tous ceux qui l’ont glosé : la savoir est toujours partiel, je dirai même « régional ». Le savant ignare est celui qui croit que sa science est sans bornes et qu’il peut donc tout expliquer grâce à elle ; ce qu’il ignore ce sont donc les frontières qui bornent son esprit. C’est ainsi, dit Platon (1), que les artisans vont se croire, parce qu’ils savent faire des chaussures ou construire des maisons, compétents pour gouverner la Cité. Ce sont des gens malcommodes et prétentieux – comme le sont également les généraux, comme les poètes, etc….
Il peut donc se faire que l’oxymore ne soit pas seulement poétique.
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(1) Platon – Apologie de Socrate : « Socrate : Seulement, Athéniens, ces bons artisans me parurent avoir le même défaut que les poètes. Parce qu'ils pratiquaient excellemment leur métier, chacun d'eux croyait tout connaître, jusqu'aux choses les plus difficiles, et cette illusion masquait leur savoir réel. »

Thursday, April 19, 2012

Citation du 20 avril 2012


1 – Sans surprise, l'Espagne est en récession
Bousier.com – Information en ligne
2 – TOINETTE – Que diantre faites-vous de ce bras-là? / ARGAN – Comment? / TOINETTE – Voilà un bras que je me ferais couper tout à l'heure, si j'étais que de vous. / ARGAN – Et pourquoi? / TOINETTE – Ne voyez-vous pas qu'il tire à soi toute la nourriture, et qu'il empêche ce côté-là de profiter?
Molière – Le malade imaginaire Acte III, scène 10
3 – LE TAMBOUR – Je puis manger ? / KNOCK – Aujourd’hui, comme vous travaillez, prenez un peu de potage. Demain, nous en viendrons à des restrictions plus sérieuses.
Jules Romains – Knock ou le triomphe de la médecine

On doit le dire : la stupeur qui nous saisit devant la soudaineté et la brutalité de la crise financière qui étrangle l’Europe ne s’explique que par notre inculture.
Non seulement les exigences du FMI se dont exercées depuis bien des décennies avec le résultat très régulier d’appauvrir et donc de rendre encore moins solvables les pays en difficultés, mais encore la stupidité de tels traitements lorsqu’ils sont utilisés par la médecine a servi pendant des siècles à faire rire le public.
Toinette déguisée en médecin ne force pourtant pas vraiment la caricature : la purge et la saignée étaient les armes favorites des médecins de l’époque pour lutter contre … l’affaiblissement des malades ! Quant au bon docteur Knock, il utilise le remède de la diète omniprésente au début du XXème siècle et qui est peut-être encore d’actualité de nos jours.
Ces comédies ont eu pour effet de dire des choses que nous savons par cœur, comme celle-ci : l’Espagne est priée de se couper le bras de la survie du peuple pour renforcer celui de la prospérité  des places financières.
Mais elles disent aussi des choses que nous n’entendons pas si facilement :
- D’abord que l’autorité du médecin annihile le sens critique du malade : il suffit à Toinette d’enfiler la robe du médicastre pour être écoutée. De nos jours, ceux qu’on écoute, ce sont les spécialistes, techniciens, conseillers, sherpas, quelque soit le nom qu’on leur donne. Qu’on leur donne du  pouvoir on verra la suite…
- Ensuite que comme avec le docteur Knock, ce sont nos remèdes qui créent la maladie ; à moins que, déjà malade, il ne serve à achever.

Wednesday, April 18, 2012

Citation du 19 avril 2012


Presque tous les esprits errent autour de la chose qu’ils veulent exprimer, sans aller jusqu’à elle, ou sans l’entamer entière. De là vient peut-être qu’en matière d’esprit, on a nommé sublime ce qui n’est que cet excellent vrai toujours manqué.
Marivaux.
Commentaire II
Pourquoi écrire – et pourquoi lire ? – si on manque toujours à dire ce qu’on cherche à dire ?
--> Simplement pour donner l’occasion au commentateur de déployer son talent de dire ce qu’on a donc échoué à dire.
On voit où je veux en venir : en tant que commentateur de citations, on pourrait me reprocher justement de substituer mes mots à ceux de l’auteur, voire même de délayer inutilement ses formules (ce qu’on appelle une paraphrase).
Contre quoi Marivaux dira que tous les esprits errent autour de la chose qu’ils veulent exprimer, et donc qu’ils ouvrent la carrière à leurs commentateurs. Tout texte est susceptible d’être commenté, même s’il ne le mérite pas forcément.
1 – La raison en est que chaque texte pointe vers un sens qu’il suggère, sans pouvoir le dire vraiment.(1)
2 – Que ce sens du texte – ce qu’on appelle son esprit –  est forcément au-delà de sa lettre.
3 – Que le commentaire étant lui-même un texte appelle également un nouveau commentaire.
Nous ne faisons que nous entregloser disait Montaigne (2)
Mais alors qu’on pourrait s’en plaindre, concevons que certains textes méritent plus que d’autre d’être commentés ; et que certains commentaires méritent plus que d’autres d’être lus.
Qu’est-ce donc qu’un bon commentaire ? C’est celui qui enrichit le sens du texte, sans le trahir – c’est-à-dire en préservant son absolue originalité, par exemple qui évite d’en faire un moment d’une théorie qui existe en dehors de lui, et qui fait qu’on pourrait s’épargner la peine de le lire.
Qu’est-ce donc qu’un bon texte ? C’est celui qui appelle un commentaire de ce genre, c’est-à-dire qui se tient à égale distance de l’absolue clarté – ce qu’on appellera ici une platitude – et de l’obscurité défensive (celle dont on parlait hier avec Nietzsche). Bref : un bon texte est celui qui donne à penser.
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(1) Marivaux ajoute qu’à vouloir le dire, on va au-delà du point de clarté où le texte commence à s’affaiblir nécessairement (voir ici).
(2) Voir ici.

Tuesday, April 17, 2012

Citation du 18 avril 2012


Presque tous les esprits errent autour de la chose qu’ils veulent exprimer, sans aller jusqu’à elle, ou sans l’entamer entière. De là vient peut-être qu’en matière d’esprit, on a nommé sublime ce qui n’est que cet excellent vrai toujours manqué.
Marivaux.
Commentaire I
Le sublime : paradoxalement, c’est quand nous échouons à le penser, que nous paraissons l’être. Bizarre.
Selon Marivaux, le sublime, c’est le manqué de l’esprit. C’est-à-dire cet au-delà de notre propos, ou de notre écrit, qui projette son ombre dessus et qui nous fait dire « c’est sublime ! »
Philosophes abscons ou poètes obscurs, ils ont tous profité de cette disposition pour attirer les louanges sur leurs œuvres. Comme le disait Nietzsche, « ils ont troublé leurs eaux pour qu’elles paraissent profondes ».
On devine que ce n’est pas là ce que Marivaux veut dire. Selon lui, c’est dans l’effort authentique pour dire l’indicible que le sublime est atteint – ou plutôt est supposé atteint.
Une réflexion sur le sublime esthétique (1) – chez Kant en particulier – montre qu’il est toujours inaccessible pour l’être humain, mais qu’en même temps il est ressenti comme l’objet d’un désir (comme dans Cet obscur objet du désir le film de Buñuel). Pourtant, il faut bien que quelque chose précise cette intuition du sublime pour qu’on sache ce dont il s’agit : l’objet du désir n’est jamais complétement obscur, qu’il s’agisse de la saveur du chocolat ou du velouté élastique de la peau de la femme aimée, il y a toujours quelque chose qui fait que cet objet est désiré. Pour le sublime, ce qui le fait désirer, c’est précisément qu’il nous dépasse – ou plutôt qu’il stimule et qu’il dépasse le pouvoir de notre imagination. Le sublime est ce qui nous donne une idée de l’absolu, en nous faisant voir qu’il y a quelque chose qui existe au-delà de nos limites.
L’écrivain qui atteint au sublime est celui qui déplace ces limites, mais qui en même temps nous  montre qu’elles existent toujours, et que, si loin de nous que les artistes les repoussent, nous restons encore en-deçà.
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(1) Voir par exemple cet intéressant exposé.