- l’autre c’est que le présent coupé du passé est le lieu de la création, de l’invention, de l’innovation… Bref, tout ce qui surgit quand on ne l’attendait pas, tout ce que nous produisons et qui nous étonne, tout cela c’est la vie. (2)
Wednesday, December 28, 2016
Citation du 29 décembre 2016
- l’autre c’est que le présent coupé du passé est le lieu de la création, de l’invention, de l’innovation… Bref, tout ce qui surgit quand on ne l’attendait pas, tout ce que nous produisons et qui nous étonne, tout cela c’est la vie. (2)
Thursday, May 10, 2012
Citation du 11 mai 2012
Ah! not in knowledge is happiness but in the acquisition of knowledge. [Ce n'est pas dans la connaissance qu'est le bonheur, mais dans l'acquisition de la connaissance.]
Thursday, November 11, 2010
Citation du 12 novembre 2010
Ils n'ont rien appris ni rien oublié.
Attribué à Talleyrand à propos des immigrés (durant la révolution française) – Voir ici
Voilà une question bien piquante : faut-il savoir oublier pour pouvoir apprendre ?
Si apprendre est un processus qui de déroule dans le temps, ne va-t-on pas oublier ce qu’on vient d’apprendre, juste pour pouvoir le réapprendre ? Stupide !
En plus : la première chose qu’on a apprise l’a été sans aucun oubli, puisqu’on ne savait rien, on n’avait rien à oublier…
Et puis, à supposer qu’il nous faille oublier, ce serait oublier quoi au juste ?
Procédons par ordre :
- D’abord à propos des immigrés dont parle Talleyrand : il s’agit des ci-devant nobles qui ont fui la révolution française pour éviter la guillotine et qui ne rentreront en France qu’après la restauration : on comprend bien que ce qu’ils ne parviennent pas à oublier ce sont leurs privilèges et la monarchie absolue. Du coup ils n’ont rien appris, puisque pour apprendre il fallait admettre les changements impulsés par la Révolution.
Maintenant généralisons: de la même façon, l’adulte n’apprendra à l’être qu’à la condition d’oublier qu’il a été l’enfant gâté que sa maman secourait au moindre bobo.
- Ensuite, en actualisant la pensée de Talleyrand : tous les pédagogues le disent, pour enseigner, il faut d’abord faire table rase des idées reçues par enfants dans leur milieu socio-culturel, parce que ces préjugés sont beaucoup plus forts que les enseignements du maître. En outre, ces préjugés sont d’autant plus forts qu’ils ont été confortés par l’habitude : plus on les attaque tard, plus ils sont difficiles à défaire.
Bien entendu, il ne s’agit pas de dire qu’apprendre, c’est se former de nouveaux préjugés. A quoi bon oublier si ce qu’on apprend ne vaut pas mieux que ce qu’on a rejeté ?
Pour apprendre, il faut donc se déprendre de la trompeuse sécurité de l’évidence.
Disons mieux : ce qu’il faut oublier, c’est la confiance aveugle dans les promesses de l’évidence : évidence des paroles des parents, évidence des règles édictées par les maîtres spirituels (ou par le chef de la bande), évidence de l’apparence.
C’est à la démarche scientifique que l’on doit d’avoir mis cela en pratique : d’abord douter de l’évidence pour ensuite la vérifier par expérience.
On aura reconnu la méthode cartésienne. Reste comme question subsidiaire de savoir si l’on doit oublier (les préjugés) une fois et une seule dans l’existence (ce que croit Descartes) ou bien si c’est à chaque étape du progrès du savoir que c’est nécessaire (ce que pense Bachelard).
Tuesday, April 20, 2010
Citation du 20 avril 2010
Ces sortes d'éphémérides écrites n'entreraient pas utilement dans la place d'une bonne vie, où l'oubli est aussi nécessaire que le souvenir.
Joubert – Carnet (11 septembre 1805)
Ne s’agit-il pas pour Joubert de critiquer l’usage de rédiger un journal intime dans ses Carnets, qui pourtant ne sont rien d’autre ? Sans doute faut-il tenir compte de la différence entre un journal intime où l’on écrit les évènements de sa vie et les sentiments qui vont avec, et des Carnets où l’on rédige ses pensées du jour, qu’il s’agisse de joies ou de déceptions, mais aussi de considérations sur la politique ou sur le pape.
L’essentiel n’est pas là. Il tient dans cette remarque : l'oubli est aussi nécessaire que le souvenir.
Se souvenir est parfois inutile, parfois aussi c’est un malheur. Qui donc pourrait croire sincèrement que conserver la mémoire de tout ce qui nous arrive est utile à la vie ? C’est pourtant ce que je fais mine de croire en rédigeant mon journal avec, au jour le jour, tout ce qui se passe et qu’on aurait bien vite oublié sans cela.
Bien entendu cette remarque de Joubert n’a d’intérêt que dans la mesure où elle concerne des évènements importants, et non des faits insignifiants (1). Mais qu’il y ait des évènements importants, comme des victoires ou des échecs, des trahisons ou des ruptures dont le souvenir risque de nous porter préjudice plutôt que de nous renforcer – ou du moins de nous indiquer le cap à suivre – voilà qui peut étonner. Mais ce n’est pas parce que c’est étonnant que ça n’existe pas.
Car c’est bien cela que Nietzsche ne cesse de nous répéter : la mémoire est la vertu du ruminant, et non celle de l’homme – surtout s’il aspire à se dépasser lui-même. Et je crois bien que tous les créateurs, les artistes le diront : créer, c’est oublier – sans quoi comment pourrait-on imaginer une œuvre neuve ?
(1) C’est ainsi qu’on reproche à Louis XVI d’avoir écrit dans son journal à la date du 28 juin 1791 : J’ai pris du petit lait. Il venait juste d’être ramené à Paris après avoir été arrêté à Varennes.
Tuesday, February 02, 2010
Citation du 3 février 2010
Un pardon qui conduit à l'oubli, ou même au deuil, ce n'est pas, au sens strict, un pardon. Celui-ci exige la mémoire absolue, intacte, active - et du mal et du coupable.
Jacques Derrida – Interview avec Antoine Spire - Le Monde de l'éducation - septembre 2000
Pardonner, ce n’est pas oublier la faute ni bien sûr faire son deuil des valeurs qui ont été offensées par elle. Pardonner, c’est continuer de vivre avec le coupable, comme avant, parce qu’on a de l’amour pour lui.
--> Ça, mon très cher alias Docteur-Philo l’a dit (ici), et je ne saurais faire mieux.
Mais Derrida va encore plus loin, beaucoup plus loin. Le pardon, dit-il, n’est pas l’oubli, au contraire : il est mémoire absolue, intacte, active - et du mal et du coupable.
Nous voici en plein paradoxe, avec un pardon dont l’exercice exige la représentation de la faute. Un peu comme si nous, qui aimons Jésus du plus grand et du plus pur amour, nous réclamions d’avoir sous les yeux ses tourments de son agonie sur la croix pour pouvoir continuer de pardonner à ses bourreaux.
- Hé, vous, les Romains (1). Vous pourriez pas recrucifier Jésus un petit peu, qu’on puisse vous pardonner encore une fois ?
Bizarre…
Toutefois, il me semble que ce que veut dire Derrida, c’est que le pardon ne se distingue vraiment de l’oubli et du deuil (entendons : le deuil qui est une revanche de la vie, elle qui finalement continue comme avant avec les mêmes élans et les mêmes rires) que dans le moment même où il est accordé, lorsque dans notre cœur s’établit la paix qui accompagne la rémission de la faute.
Le pardon est donc un acte et jamais un état. Le pardon n’existe pas ; seul existe l’acte de pardonner.
Voilà une belle pensée… Mais l’inconvénient avec certains philosophes, c’est qu’entre leur construction conceptuelle et la réalité, il y a parfois un gouffre. C’est ce qu’on a souvent dit des stoïciens ; mais ici, avec Derrida, ce n’est pas mal non plus.
Imaginez :
- Chérie, tu te rappelles quand j’ai découvert l’an dernier que tu couchais avec mon meilleur ami ? Tu sais qu’au au moment où je t’ai pardonnée j’ai ressenti pour toi une très grande émotion : j’ai été submergé d’amour pour toi.
Chérie, bientôt la saint Valentin : tu ne voudrais pas t’arranger pour me tromper encore une fois, que je puisse encore t’aimer comme l’an dernier ?
(1) Ou les juifs, si vous voulez. Moi, je ne polémiquerai pas avec ça.
Sunday, December 14, 2008
Citation du 15 décembre 2008
Ce qui est dans ton dos est dans ton dos. L'oubli est une science.
Félix Leclerc – Le calepin d'un flâneur
L'oubli est une science…
Voilà une formule qu’on aimerait avoir inventée pour la coller sur la première page de son journal intime – histoire de faire jaser…
La question est : comment oublier ? Quelle est cette science admirable, qui nous dispenserait de consommer des tranquillisants par poignées ?
Félix Leclerc semble dire qu’il n’y a rien à faire de spécial, sinon de regarder seulement devant soi, et de ne pas se retourner pour ne plus avoir devant nous ce qui est en fait derrière (1).
1ère sous-question : comment distinguer le devant et le derrière dans notre vie ?
Car au fond, si le présent est fait de ce qui hante ma conscience dans l’instant présent, alors il est fait aussi de tous les souvenirs obsédants qui s’y pressent. D’ailleurs on dirait la même chose des rêveries par les quelles nous nous projetons dans l’avenir.
Si donc il y a dans notre présent des souvenirs, alors il s’en distinguent dans la mesure où ils ne sont plus utiles pour l’action – car c’est l’action qui détermine à coup sûr le présent.
En conséquence, comme le disait Bergson, le présent est fait de la durée concrète de l’action, qui mobilise le passé immédiat et l’avenir imminent, passé et avenir engagés dans notre présent comme nécessaire au bon déroulement de ce que nous faisons.
2ème sous-question : que faire pour débarrasser notre présent des souvenirs encombrants et inutiles ? Voilà la question que beaucoup se posent, et que nos amis les philosophes ont réglée depuis longtemps (2).
Comme Nietzsche et Bergson l’ont indiqué, c’est l’action qui nous inclut dans le présent, et c’est l’inaction qui nous laisse disponible pour le passé et l’avenir. Les souvenirs sont des ressources que nous devons appeler dans notre conscience pour les mettre en œuvre pour la réussite de notre action, rien de plus.
Comment oublier ? Voilà donc la réponse : agir.
L’oubli est donc une technique plus qu’une science.
(1) « Monsieur a son avenir devant lui, mais il l’aura dans le dos chaque fois qu’il fera demi-tour » disait le fakir Rabindranath Duval
(2) C’est Nietzsche qui enseignait que l’oubli ne s’identifie pas à la vis inertiae qu’on le croit être. Voir Post du 2 février 2006
Saturday, August 23, 2008
Citation du 24 août 2008
L'oubli est un puissant instrument d'adaptation à la réalité parce qu'il détruit peu à peu en nous le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle.
Marcel Proust – A la recherche du temps perdu
On est très injuste avec l’oubli ; on en fait un défaut, lié à l’inattention ou à la pathologie du cerveau ; pire encore : on en fait parfois un vice, qui doit être combattu comme en témoigne le devoir de mémoire. Tout juste admettons nous que l’oubli soit une condition utile pour décharger une mémoire saturée, un peu comme on appuie sur la touche delete de l’ordinateur quand le disque dur est trop plein.
Or, on doit aussi admettre qu’il y a une « dialectique du réel » grâce à l’oubli : il nous permet de couper les liens avec la réalité – une certaine réalité – pour mieux la retrouver ailleurs. Si vous voulez un exemple, l’oubli de la mort d’un être cher, oubli issu du travail de deuil, est la condition indispensable pour que « la vie continue ». Nous sommes sans cesse déchirés par le culte du passé et l’appétit d’avenir. La ligne de partage qui sépare les deux, c’est la ligne de la vie ; le passé est mort, et s’il survit c’est justement par le fait de la mémoire. La mémoire introduit la mort dans la vie, elle la mortifie : par elle, le mort saisit le vif (qu’on me permette de jouer un peu avec le sens usuel de cette devise).
Certes, l’oubli permanent est pourtant un handicap pour l’action : celui qui ne retiendrait rien de l’expérience passée serait exposé à refaire sans cesse les mêmes erreurs. Mais justement, ce souvenir réactivé par l’action présente, cesse d’être un souvenir pour redevenir du présent. Il appartient comme le dit Bergson à la mémoire habitude, qui n’est pas datée.
Je dirai pour conclure qu’il est un autre cas où l’oubli est néfaste pour l’action : c’est l’oubli du projet, l’oubli de la promesse faite à soi-même ou aux autres.
Bref, c’est l’oubli de l’avenir.
Sunday, May 13, 2007
Citation du 14 mai 2007
Article I : Premièrement que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre depuis le commencement de mois de mars 1585 jusqu’à notre avènement à la couronne, et durant les autres troubles précédents, et à l’occasion d’iceux, demeurera éteinte et assoupie comme de choses non advenues…
Edit de Nantes ( 30 avril 1598)
A côté du devoir de mémoire dont on nous rebat les oreilles ces temps-ci (repentances en tous genre inclus), voici le devoir d’oubli.
Devoir surprenant si l’on estime que l’oubli est un fait psychique qu’on ne saurait provoquer à volonté (voir Post du 2 février 2006) : si Henri IV peut ordonner d’oublier, c’est qu’en fait ce devoir ne vise pas le souvenir psychologique ; il s’agit d’un décret juridique interdisant l’évocation de certains souvenirs.
C’est la même chose lorsqu’on parle du devoir de mémoire ; on comprend assez facilement ce que cela veut dire : c’est la commémoration, le rassemblement d’un peuple dans la remémoration d’un événement. Pourtant, la commémoration non plus n’est pas uniquement faite pour conserver la mémoire du passé : elle a aussi pour rôle d’affirmer quelque chose comme une responsabilité vis à vis des héros ou des victimes (1).
En face des commémorations du devoir de mémoire, voici donc l’anti-commémoration du devoir d’oubli.
Il y a quatre façons de considérer le passé :
- soit il n’est pas passé, il continue d’exister dans le présent : c’est la rumination de la faute inexpiable (voir Nietzsche). C’est cela que vise le discours du politique qui assimile la repentance à la haine de soi (expression qui d’ailleurs vient en droite ligne de Nietzsche)
- soit on nie son existence et il est isolé, muré dans un lieu interdit de la mémoire : c’est le refoulement du souvenir, avec son cortège de pathologie (voir Freud) ; ce sont aussi les manipulations staliniennes, rappelées par Orwell et son « ministère de la mémoire » (1984)
- soit on l’oublie, ce qui veut dire qu’on se dissocie du passé. L’oubli, implique donc ici une rupture dans le flux temporel, les hommes qui ont oublié n’ont plus aucun rapport avec ceux dont on oublie les crimes. L’Edit de Nantes, c’est la révocation des responsabilités. Pour vivre ensemble laissons de côté le fait que notre père a peut-être été massacré par notre voisin (2).
- soit on le relie au présent pour le transformer par l’action que nous y développons : c’est la temporalité historique (reprise par Sartre). Le propre de l’histoire est de mettre en évidence des filiations, des généalogies, des causalités : pour elle il n’y a pas de « trou » dans le temps ; chaque époque est fille de l’époque précédente. Mais aussi, chaque époque s’invente, crée quelque chose de nouveau. Les Antillais sont fils d’esclaves ; nous sommes fils de propriétaires d’esclaves. Mais ni eux ni nous n’avons plus rien à voir avec l’esclavage
Sommes toutes, avec les hommes politiques d’aujourd’hui, nous autres philosophes, nous ne sommes pas prêts d’être au chômage.
(1) Sur ce sujet, la référence c’est Ricœur - La mémoire, l’histoire, l’oubli - édité au Seuil, p. 105-111 en particulier
(2) C’est toute la problématique de la réconciliation après l’apartheid en Afrique du Sud, après les massacres au Rwanda. Problématique réactivée en Pologne avec la « lustration ».
Thursday, February 02, 2006
Citation du 2 février 2006
- Oublier, oublier, comment puis-je oublier ?
- L’oubli, mon ami, c’est ce que tu trouveras quand tu ne le chercheras plus.
Anonyme
Oui, comment oublier ? C’est ce que se demande l’amoureux éconduit, l’homme victime d’un deuil cruel, tous ceux à qui la vie réserve un coup de Trafalgar.
Cherche-t-on l’oubli comme on cherche sa paire de lunette égarée au fond du tiroir ? Pourtant l’oubli ce n’est pas quelque chose comme un objet ; l’oubli, ce n’est que l’absence du souvenir : comme tel il n’existe pas. Oublier donc c’est ne plus se rappeler : comment pourrait-on le trouver ?
Il est très simple d’oublier : il suffit d’effacer le souvenir : on ne trouve pas l’oubli, mais on perd le souvenir ; ce serait donc aussi simple que de vider la mémoire d’un disque dur ? Ça se saurait, et justement personne ne gémirait en l’espérant. Donc répondra le bon sens, on ne trouve l’oubli que si on cherche quelque chose d’autre. Quelque chose comme un gros pavé attaché au souvenir et qui permet de le couler à pic : l'oubli c’est une force d’inertie.
Nietzsche dira que l’oubli c’est au contraire une force active qui habite la conscience ou plutôt qui hante l’esprit, car la conscience n’est justement que la somme des souvenirs. Pour oublier il faut être de la race de ceux qui n’impriment pas de souvenirs, parce qu’ils n’en ont que faire. Se souvenir, c’est tenir la comptabilité de nos joies et de nos peines pour les thésauriser ou pour les faire payer. Oublier c’est être dans l’action qui se projette dans l’avenir sans se soucier des traces qu’elle laisse dans son sillage, de tout ce qui justement peut devenir souvenir. Ne dit-on pas à celui qui s’excuse de nous avoir offensé : « Ne vous excusez pas je n’avais même pas remarqué… »
C’est donc en « oubliant » de se souvenir qu’on peut oublier…