Friday, August 24, 2012
Citation du 24 août 2012
Sunday, May 03, 2009
Citation du 4 mai 2009
La conscience ne vous interdit pas de faire ce que vous ne devriez pas, elle vous empêche de vous en réjouir.
Cleveland Amory
Curieuse citation : on aimerait la réécrire – La conscience même si elle ne peut empêcher qu’on fasse le mal, nous empêche néanmoins qu’on s’en réjouisse.
Admettons. Ça ne résout pas tout.
La conscience – entendons : la conscience morale – n’aurait aucun pouvoir sur ce qui nous détermine à agir ? Elle n’interviendrait qu’après coup, quand vient le temps des remords – ou des regrets.
- Mais alors, qu’est-ce donc alors qui nous empêche de mal faire ? La conscience morale, et les valeurs qu’elle réactive en nous n’aurait donc aucune fonction là dedans ? On serait honnête uniquement par peur du châtiment ? Ou parce qu’il y aurait un plus grand plaisir à faire le bien que le mal ? Ne serait-ce pas plutôt tout simplement l’amour ? Nous n’irions tout de même pas faire du mal à ceux que nous aimons ?
Voilà : il suffit donc d’aimer l’humanité en général, et le mal disparaît. Aimez-vous les uns les autres. Point-barre.
- Si c’est à ça que vous pensez, alors vous avez un besoin urgent de faire un petit tour du côté de la morale kantienne, c’est moi qui vous le dis…
Pour Kant, une action morale est une action qu’on accomplit par devoir et non par plaisir (1) ou par besoin, ou par tout sentiment qu’il soit de pitié, d’amour ou ce que vous voudrez. La conscience morale est la conscience du devoir qui m’est fait de respecter les valeurs de la raison, et rien d’autre.
- Et l’amour ? Qu’est-ce qu’il en fait de l’amour, Kant ? N’aurait-il aucune valeur ?
- Mais si, justement : à condition toutefois que ce soit l’amour pratique, celui qui seul a une valeur en morale et qui est en fait l'autre nom donné au devoir.
- Pratique ? Ça a quoi de « pratique » l’amour ?
- « L’amour comme inclination ne peut se commander ; mais faire le bien précisément par devoir, alors qu’il n’y a pas d’inclination pour nous y pousser, et même qu’une aversion naturelle et invincible s’y oppose, c’est là un amour pratique et non pathologique, qui réside dans la volonté et non dans le penchant de la sensibilité ; or cet amour est le seul qui puisse être commandé. » Kant – Fondements de la métaphysique des mœurs, I
(1) Comme on va le voir dans le texte cité plus bas, ce qui se fait par devoir obéit à un impératif pratique, alors que ce qu’on fait par sentiment résulte d’un penchant pathologique (ce terme n’ayant chez Kant aucune connotation péjorative : il s’agit seulement de ce qui est de l’ordre du pathos, c'est-à-dire de la sensibilité)
Sunday, June 29, 2008
Citation du 30 juin 2008
L'homme est infiniment grand par rapport à l'infiniment petit et infiniment petit par rapport à l'infiniment grand ; ce qui le réduit presque à zéro.
Vladimir Jankélévitch
On suppose en lisant cette citation – que comme vous je découvre privée de son contexte – que Jankélévitch commente ici le passage des Pensées où Pascal parle des deux infinis (1).
Ce n’est pourtant pas le commentaire de ce passage si connu qui va me retenir, mais plutôt ce « presque zéro » que Jankélévitch, ce penseur de « presque rien », utilise pour qualifier l’homme.
Alors que pour Pascal, le zéro qui nous caractérise est celui de l’éloignement où nous sommes de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, et qu’il nous rend incapable de la moindre connaissance objective – même un ciron ferait mieux – pour Jankélévitch ce « presque » zéro est la « marque de fabrique » de l’homme.
L’homme est un être incertain : capable d’héroïsme ou d’abnégation, mais aussi des pires horreurs, sa caractéristique est d’être à la fois au dessus et au-dessous de l’humanité (Merleau-Ponty) ; il peut basculer dans l’un ou dans l’autre de ces domaines. Mais jamais il ne sera vraiment et exclusivement ou l’un ou l’autre.
Une dernière remarque : on voit que l’homme n’étant ni ange, ni bête (encore Pascal) aucun absolu ne lui est accessible, celui du mal absolu pas plus que celui du souverain bien. C’est peut-être ça l’idée à la quelle on résisterait le plus volontiers : que la sainteté ne soit pas à notre portée, passe encore ; mais que l’horreur du bourreau qui déshonore l’humanité de sa présence ne soit encore qu’un petit rien du tout par rapport à l’infini du mal, comment l’accepter sans frémir ?
Frémissez tant que vous voudrez, mais si Jankélévitch et Pascal ont raison, l’homme – vous, moi – est ce presque zéro, cet ε qui oscille en permanence un cran au-dessus, un cran au-dessous de l'animal.
(1) Qu'est-ce qu'un homme, dans l'infini ? A lire ici
Monday, November 26, 2007
Citation du 27 novembre 2007
Oui c'est un mal de mourir, car si ce n'eût pas été un malheur, les dieux seraient morts eux-mêmes...
Sappho - Poésie et fragments
- Que savons-nous des Dieux ? Sont-ils réellement immortels ?
- Si les Dieux sont immortels, est-ce un bien pour eux ? Serait-ce un bien pour nous, qui ne sommes pas des Dieux d’être immortels si nous le pouvions ?
- Ce qui est un malheur pour les Dieux est-il aussi un malheur pour nous les hommes ?
L’évidence de l’affirmation de Sappho tourne vite à la confusion dès que nous essayons de répondre à ces questions. Sans revenir sur la question de la mort dont nous avons récemment souligné l’énigme, je crois que c’est l’argument lui-même qui mérite un instant de réflexion.
Car Sappho suppose admis que le bien - et le mal - est universel : ce qui est bon, est bon, que ce soit pour l’homme ou pour les Dieux. Nous jouissons des mêmes biens que les Dieux, parce qu’entre eux et nous il n’y a qu’une différence de degré. Par exemple, nous sommes mortels, parce que notre vie est limitée dans le temps ; les Immortels n’ont simplement pas de limite à la durée de leur vie.
Laissons de côté la question de la différence d’essence qu’implique l’immortalité comparée à la mortalité. Mais ce qui nous importe, c’est que les dieux soient définis à parti de nous mêmes : ce qui est bon pour nous doit aussi être bon pour les dieux. Ce que nous désirons, c’est aux Dieux qu’il appartient de le posséder. Première erreur (ou si vous préférez : argument non concluant).
A partir de là, qu’est-ce qui nous dit que ce bien, que nous désirons en soit un ? Après tout, en dehors de nous, il n’y a pas que les dieux ; il y a l’espèce aussi. Le bien de l’espèce n’est peut-être pas celui de l’individu.
L’espèce exige la mort des individus. Ou, si vous préférez, elle ne pourrait subsister sans la disparitions des anciennes générations, faisant ainsi place aux nouvelles. Voyez l’humanité : le mal que nous avons à nourrir les quelques milliards d’hommes vivant en ce moment sur la planète. Imaginez que les hommes soient immortels : combien de milliards serions nous alors ? Et en plus, on ne peut se contenter de cumuler les individus se succédant au cours du temps : n’oublions pas qu’ils auraient continué à se reproduire, démultipliant ainsi le nombre des naissances. Il y aurait des petits cro-magnons qui naîtraient aujourd’hui encore, et comment nourrir tout ce monde ?
Ajoutez qu’on aurait aussi conservé les plus archaïques d’entre nous. L’homme de la Chapelle aux saints continuerait de faire des petits ; avec nos femmes ???
Après tout, si ça leur dit…
Tuesday, August 21, 2007
Citation du 22 août 2007
Entre une infinité de mondes possibles, il y a le meilleur de tous, autrement Dieu ne se serait point déterminé à en créer aucun ; mais il n’y en a aucun qui n’ait encore de moins parfaits au-dessous de lui : c’est pourquoi la pyramide descend à l’infini.
Leibniz Essai de théodicée §416
Pouvons-nous concevoir le pire des mondes ?
Nous sommes là à l’avant dernier paragraphe de la Théodicée. Sous forme de mythe, Leibniz reprend la cheminement qui fut le sien.
Les mondes possibles (entendez ceux dont le plan a été conçu par Dieu et qui étaient en compétition pour l’existence) sont rangés dans une pyramide, son sommet coïncide avec le meilleur possible, mais elle n’a pas de base : celle-ci s’évase indéfiniment et direction du pire. Ce qui signifie que le meilleur des mondes est concevable, mais que même Dieu ne peut concevoir le pire des mondes.
On pourrait s’étonner : le meilleur des mondes est simplement celui dont la bonté est compatible avec l’existence ; un monde meilleur que celui ci pourrait être conçu, mais il ne pourrait être créé. Alors, de même, n’y aurait-il pas du côté du pire une limite au-delà de la quelle un monde encore plus mauvais ne pourrait se maintenir dans l’existence ? Et ces deux limites (du côté du meilleur et du côté du pire) ne risquent-elles pas de coïncider ? En tout cas, c’est comme ça que je comprends la phrase de Jankélévitch : «Le meilleur des mondes n'est que le moins mauvais ». Car alors un monde juste un peu meilleur serait irréalisable, et un monde juste « un peu pire » sombrerait dans le néant
J’admets que la réponse appartient à de meilleurs leibniziens que moi : ça peut exister ( !). Quant à moi, je me contenterai de dire que pour Leibniz le mal n’a pas besoin d’être créé pour exister : il relève de la liberté de la créature, et comme tel il est imprévisible (1). La Pyramide s’enfonce dans des formes toujours nouvelles du mal, c’est la loi du pêché, c’est la leçon de l’histoire.
En tout cas, si je reviens sur le Post d’hier, je dirai qu’il y a deux formes du mal : l’une est le fait de la « bonté » de Dieu, c’est la mort, ce sont les fléaux naturels, c’est la lourdeur du fardeau que l’homme doit porter.. L’autre est le fait de l’homme : c’est la mort des innocents, c’est le pillage des ressources naturelles, c’est l’esclavage. Si on ne peut rien sur le premier mal (à moins dirait Leibniz d’obtenir de Lui qu’Il fasse un miracle), on peut en revanche agir sur le second : mais il faut inverser le cours de l’histoire (ou l’accélérer diront les optimistes).
Et ça fait du travail.
(1) Pour Leibniz, Dieu a certes prévu le péché d’Adam, puisque c’est la conséquence de la liberté qu’il lui a donné. Mais a-t-il prévu sous quelle forme Adam pécherait ? Là encore, s’il y a un Leibnizien dans la salle, merci à lui de se signaler.
Monday, August 20, 2007
Citation du 21 août 2007
Il y a véritablement deux principes, mais il sont tous deux en Dieu, savoir, son entendement et sa volonté. L’entendement fournit le principe du mal, sans en être terni, sans être mauvais ; il représente les natures comme elles sont dans les vérités éternelles ; il contient en lui la raison pour la quelle le mal est permis, mais la volonté ne va qu’au bien.
Leibniz - Essai de Théodicée § 149
J’imagine que le bon professeur Pangloss, lorsqu’il eut affirmé que « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » (voir Post du 12 février 2006), croisa benoîtement ses mains sur sa bedaine et s’assoupit. Leibniz écrivit l’Essai de théodicée sur la bonté de Dieu la liberté de l’homme et l’origine du mal. Voilà ce qu’on appelle un philosophe.
Ainsi donc Dieu veut le bien, mais il fait le mal… parce qu’il sait que ce mal là est la condition du plus grand bien possible. C’est ainsi qu’on me couperait une jambe pour éviter que la gangrène ne gagne le corps entier. Rien à dire.
Mais à ce compte, les pires tyrans peuvent passer pour de véritables philanthropes. Même les nazis : ils ont voulu le bien de l’humanité, qui selon eux passait par l’épuration de la race aryenne. Ce bien passait donc aussi par la destruction des Juifs : le mal est permis, mais la volonté ne va qu’au bien.
Ne discutez pas avec eux en disant que le métissage est la meilleure chance pour l’humanité de progresser. En réalité vous acceptez la logique de Leibniz, celle qui sanctifie le mal au nom du bien.
Avant de faire le bien, il faut le vouloir ; mais avant de le vouloir, il faut le connaître. Le Dieu de Leibniz sait ce qu’est le bien. Soit. Mais nous, le connaissons-nous ? Quel est le bien suffisamment établi et certain pour justifier le mal qu’on commet en son nom ?
Je ne veux pas prodiguer une leçon de morale, je veux simplement répondre à ma question : seules les religions et les idéologies philosophiques ou politiques prétendent connaître le bien. Elles seules prétendent justifier le mal.