Tuesday, May 06, 2014

Citation du 7 mai 2014


Crains, malheureux, et défie-toi de ton espérance même.
Louis Bourdaloue – Sermon sur la pénitence
Nous entendîmes, après dîner, le sermon de Bourdaloue, qui frappe toujours comme un sourd, disant des vérités à bride abattue, parlant à tort et à travers contre l'adultère.
Marquise de Sévigné – 29 mars 1680
Les stars de 17ème siècle.
Louis Bourdaloue, prêcheur jésuite dont la renommée est parvenue jusqu’à nous grâce à madame de Sévigné (et aussi, il faut bien l’avouer, au fait un peu croustillant que les dames qui l’écoutaient durant ses interminables prêches devaient soulager leur vessie dans des urinoirs qu’elles glissaient sous leurs amples robes – preuve qu’elles ne portaient pas de culotte…).
Or, si ce Bourdaloue faisait chavirer d’émotion les dames, les faisait se bousculer aux portes de l’Eglise où il montait en chaire – néanmoins, il n’était pas spécialement réputé pour la badinerie de ses propos. Bien au contraire : « Crains, malheureux, et défie-toi de ton espérance même » : un coup à ouvrir le robinet du gaz en rentrant de l’église !
Mais ce qui enflammait les auditrices de Bourdaloue tenait peut-être aux multiples forces qu’il mobilisait durant ses sermons. Réputé pour la rationalité de ses argumentations, le voilà quand même qui frappe comme un sourd, qui dit des vérités à bride abattue, qui parle à tort et à travers. Il semble bien que, dans l’émotion qu’il suscitait, la forme l’emportât sur le fonds : sans doute les dames qui entendaient des prêches à longueur de journées, de semaines et d’années, devaient être blasées. Tous ces discours devaient se valoir et seuls ceux qui sortaient de l’ordinaire – moins en raison de leur contenu, que par leur rhétorique, voire même grâce à l’intonation du prêcheur – devaient être capables d’émouvoir l’auditoire. Que savons-nous de ces émotions ? Sans doute étaient-elles beaucoup plus fortes que ce que nous pouvons imaginer aujourd’hui. On sait que les indiens du Mexique soumis aux prêches des prédicateurs espagnols s’évanouissaient  devant les descriptions de l’enfer et qu’il leur arrivait d’être pris de crises hystériques.
… Quant aux autres effets de la voix humaine, rappelons que certaines vénitiennes, du temps où le castrat Farinelli était au sommet de son art, avouaient éprouver des orgasmes rien qu’en l’écoutant.

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