Saturday, October 16, 2010

Citation du 17 octobre 2010

Dans l'expérience du dialogue […] il y a […] un être à deux […] : nous sommes l'un pour l'autre collaborateurs dans une réciprocité parfaite, nos perspectives glissent l'une dans l'autre, nous coexistons à travers un même monde,

Merleau-Ponty - Phénoménologie de la perception, p. 407 (1)

(Suite du Post précédent)

Ce texte de Merleau-Ponty pour rappeler que le dialogue n’est pas simplement une situation où on partage le temps de parole, pas plus qu’un échange verbal, mais bien la construction d’une « pensée à deux ».

Reprenons :

- Le dialogue n’est pas simplement un partage du temps de parole : on le sait, ce partage peut déboucher sur deux monologues qui se croisent sans jamais se répondre. Je suppose même que l’égalité des deux partenaires du dialogue ne tient pas essentiellement à l’égalité de leur temps de parole.

- A parler rigoureusement le dialogue n’est pas non plus seulement un échange : car on peut aussi bien échanger des arguments sans jamais arriver à un accord avec un adversaire.

- Le dialogue est la création d’une pensée à deux que Merleau-Ponty considère comme formant un seul et même tissu.

C’est que dans le dialogue, mes pensées sont suscitées non par mon interlocuteur, mais par l’état de la discussion : je n'assume pas seulement mes pensées, mais aussi le résultat produit par le dialogue.

Qu’est-ce qui fait que le dialogue soit une expérience si rare ?

Peut-être est-ce une affaire de narcissisme : la pensée-à-deux doit l’emporter sur ma pensée propre pensée, ce miroir où j’aime complaisamment à me mirer.

Reste que si le dialogue véritable est si rare, c’est peut-être aussi parce que peu nombreux sont ceux avec qui on aimerait dialoguer.

Je m’explique : supposez que vous rencontriez une très jolie femme : vous avez envie de lui faire l’amour. Très normal. Mais avez-vous envie pour autant de faire des enfants avec elle ? Pas sûr.

Hé bien pour dialoguer c’est pareil. Que vous ayez un partenaire-dialogue plutôt sympa, tant mieux. Mais il faut en plus qu’il y ait une véritable complicité pour que naisse cette pensée à deux sans la quelle le dialogue n’aboutit pas véritablement.

D’ailleurs l’analogie avec la procréation va plus loin encore, puisque selon Merleau-Ponty, dans le dialogue naît un être à deux – même s’il ne dure que ce que dure le dialogue.

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(1) J’ai honteusement massacré ce texte. Retrouvez-le en bon état ici (vous y trouverez certains passages que je cite dans mon commentaire)

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