Monday, September 26, 2011

Citation du 27 septembre 2011

L'inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge: c'est le chapitre censuré.

Jacques Lacan – Ecrits (1966)

De la censure à l’autocensure I

Quand on arrive à un âge respectable (ou qu’on considère comme respectable), il arrive qu’on se retourne sur son passé, et qu’on se dise qu’il faudrait bien conserver une trace de ces souvenirs qui hantent encore notre mémoire avant qu’ils ne disparaissent ou qu’on fasse, comme notre cher Jacques Chirac, une crise d’amnésie (1).

Mais en réalité, ce ne sont pas nos souvenirs qui sont intéressants : ce sont nos oublis.

Les oublis sont importants dans la mesure où ils ne sont pas l’effacement progressif – on dirait : par usure – du contenu de la mémoire, mais plutôt la conséquence d’un barrage, d’un refus de se souvenir. L’oubli n’est pas dû alors à la fatigue de la mémoire, mais est l’effet d’un refoulement.

Ce qui est important ici, ce sont les raisons pour lesquelles il nous a fallu refouler le souvenir, les motifs qui ont rendu ces souvenirs cuisants, blessures intolérables : c’est là que se révèle une part importante de notre « nature », ou plutôt de ce qui est devenu notre nature, autrement dit ce qui a structuré notre personnalité.

Bon – Donc l’apport de la psychanalyse est de nous expliquer que ces souvenirs sont encore en nous, qu’ils sont simplement et momentanément inaccessibles ; et aussi de nous dire comment y avoir accès. Mais surtout, elle doit nous expliquer, pour commencer, comment savoir qu’il y a eu oubli. Car on se dit que si on a oublié, ou également a oublié que l’on a oublié. Evidemment.

Donc la méthode pour retrouver les passages censurés de notre passé, c’est effectivement de remonter dans nos souvenirs, comme pour les raconter, mais dans le but d’y dépister les mensonges et les lacunes. Entre tel épisode et tel autre épisode de ma vie, pourtant connexes, il y a une lacune ; je ne sais plus ce que j’ai fait, ce que j’ai dit, ce qui m’est arrivé. Là est la censure.

Idem pour les mensonges, à condition de se rappeler que ce sont des mensonges à soi-même (2) : je crois dur comme fer avoir dit cela, avoir fait cela, etc. et des témoins me détrompent. C’est là qu’il se passe quelque chose : ce souvenir est falsifié parce qu’il me révèle quelque chose d’intolérable.

Si vous tenez à écrire sur votre passé, écrivez donc non pas vos mémoires, mais vos oublis.

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(1) Les médias s’obstinent à parler d’anosognosie. Le mot est beau, mais je ne suis pas sûr qu’il soit très éclairant (à tout hasard, voir ici)

(2) Ce que Sartre appelait la mauvaise foi.

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