Thursday, January 08, 2009

Citation du 9 janvier 2009


Ne prêtez pas vos livres : personne ne les rend jamais. Les seuls livres que j'ai dans ma bibliothèque sont des livres qu'on m'a prêtés.

Anatole France

La boutade d’Anatole France n’est peut-être pas aussi vaine qu’on pourrait le croire : filez vérifier votre bibliothèque, et dites-moi si elle ne contient pas de livres qu’on vous a prêté et que vous n’avez jamais rendu.

Hein ? Vous dites que cela n’existe pas chez vous, mais qu’en revanche les livres qui vous manquent sont ceux que vos amis ont oublié de vous rendre…

Bon, bon, je vous crois. Mais n’empêche que cette histoire de livres prêtés et pas rendus est révélatrice de notre rapport au livre. Dans le livre se joue quelque chose de très intime, et en même temps d’assez contradictoire. Le livre – je veux dire, celui qu’on aime, celui qui à nos yeux représente un véritable trésor – est quelque chose de précieux dont on ne consentirait jamais à se défaire, ni en le vendant, ni en le perdant. Et d’ailleurs, ne l’oublions pas, c’est ce livre qu’on nous suggère d’emmener sur l’île déserte comme seul compagnon. On comprend que l’ami qui oublie de nous le rendre nous joue un bien mauvais tour ; il va falloir une grosse amitié pour qu’il soit pardonné.

Et pourtant (c’est là que se joue la contradiction), nous avons besoin de le faire lire, ce livre si précieux. Nous allons le prêter et le reprêter pour le faire apprécier, pour le partager avec d’autres. Tout se passe comme si le plaisir qu’il nous avait procuré avait besoin d’être confirmé ou relancé par d’autres lecteurs. C’est comme ça qu’on ne peut se contenter de le laisser bien au chaud sur notre étagère de bibliothèque. Et c’est comme ça qu’il finit par ne plus jamais y revenir…

Quant à moi, si vous me permettez une confidence, ma bibliothèque (de littérature seulement) est assez pauvre : j’ai l’habitude d’offrir les livres qui m’ont particulièrement plu (je veux dire : offrir mon exemplaire, pas en racheter un autre) (1) ; ce qui fait que tous ceux qui restent sur mes étagères sont les médiocres, ceux que je ne relirai jamais. Pas plus que ceux que j’ai donnés sans retour ? Evidemment, mais qui donc relit ses livres (= romans) ?

On a déjà assez à faire avec les nouveaux.


(1) Cette habitude m’a été suggérée par un documentaliste de lycée qui me racontait que lors d’une inspection de sa bibliothèque, alors qu'il se plaignait que les élèves volent les livres, l’inspecteur s’était réjoui, voyant là la preuve de l’intérêt de la jeunesse pour la lecture.

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