Chacun porte une langue prête à médire de l'étranger et se
laisse aller facilement à le salir de ses propos.
Eschyle
– Les Suppliantes (v. 490 av. J.-C.)
Les tragédies grecques sont encore à bien des égards très
actuelles. Voyez cette citation d’Eschyle, qui remonte à 25 siècles. Quelle
fraicheur ! Quelle actualité ! Quelle opportunité ! Puisque nous
vivons dans un monde radicalement différent (par exemple notre société n’est plus
fondée sur l’esclavage) nous devons attribuer cette communauté de conduite à
notre nature et non à notre culture : il est dans la nature des hommes de
médire des étrangers, et de les salir tant qu’il est possible.
Brandissons le poing et proclamons : « Maudite
soit cette nature qui nous a faits si coupables de mépris ! » Bravo !
Voilà qui est dit. Mais le philosophe, il n’aurait donc rien à ajouter ?
Eh bien, si. Ne voyons-nous pas que cette tendance mauvaise ne
se manifeste pas seulement à propos des étrangers : voyez ce qu’on dit des
pédés. Et tant qu’on y est, écoutez
les joyeux buveurs à la sortie du bar et qui voient passer une jeune et jolie
fille.
Alors quand on fait des lois pour réprimer tout ça, le
racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, l’homophobie, le harcèlement sexuel,
etc., on entend les protestations. « Comment ? On n’aurait pas le
droit de dire ce qu’on pense de tous ces gens ? Et la liberté
d’expression, qu’est-ce que vous en faites ? »
Regardons-nous en face : le désir qui se manifeste ici,
c’est le désir de mépriser et de haïr. C’est ça qu’on aime ; et pour cela
il nous faut quelqu’un de méprisable – c’est à dire quelqu’un de plus faible
que nous.
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