Les hommes sont des moutons. Ce qui rend possible les armées
et les guerres. Ils meurent victimes de leur stupide docilité (Gabriel
Chevalier - La Peur).
Jacques
Tardi – C'était la guerre des tranchées, 1914-1918 –
Votre volonté, notre fierté.
Slogan
de l’armée de terre
Si les hommes étaient des hommes, jamais ils n’iraient faire
la guerre et encore moins se faire tuer comme des bestiaux à l’abattoir. C’est
ce que disent les soldats revenus de la tuerie entre 1914 et 1918. Là dessus,
on entend encore aujourd’hui le même discours à propos de ceux qui, justement
ont refusé d’y aller et ont mis la crosse en l’air : ceux-là ont été
fusillés et ce n’est que justice. Ne pas le faire serait injurier la mémoire ce
ceux qui, justement ont eu le courage d’y aller – et d’y rester.
Oui, vous avez bien lu, c’est cela que disent effectivement
les élus de la Nation au moment de réhabiliter les mutins de 17 (1). Mais aussi
lisons bien ce que disent les recruteurs militaires : ce qui importe chez
le soldat, ce n’est pas son courage ni ses passions à lutter contre les ennemis ;
c’est la qualité de sa volonté : c’est elle qui est honore la nation. D’ailleurs
le « brav’soldat » d’aujourd’hui aussi bien celui qui est sur le
théâtre des opérations extérieures que celui qui aide la défense civile à
sauver les habitants inondés d’un village. Finies donc les charges à la
baïonnette pour enlever la position ennemie en étripant ses défenseurs ; finis ces hommes qui foncent dans la mitraille
sachant qu’ils ne feront pas trois pas avant de finir hachés menu. La sécurité
est devenue le maitre mot du soldat, sécurité des civiles mais aussi celle des
compagnons engagés dans le même bataillon.
C’est que la façon de tuer elle aussi a changé, avec ces
drones pilotés au joystick depuis un bureau du Pentagone pour frapper en
Afghanistan. Les tueurs sont devenus paisibles, et les tués n’ont plus rien à
choisir : ça leur tombe comme ça, sur la tête, sans même qu’ils s’en
aperçoivent…
La façon de mourir a donc changé… mais on meurt quand même –
toujours aussi bien qu’avant.
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(1) Par exemple, en 1998 Jacques Chirac qui refuse la
proposition de Jospin, alors premier ministre : « Le président de la
République juge "inopportune" l'invitation du premier ministre à
réintégrer dans la mémoire nationale, quatre-vingts ans après, les soldats
français fusillés "pour l'exemple". » (L’humanité.fr).
Aujourd’hui encore ce n’est pas le cas, même si l’opinion a évolué.
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