Ah Dieu! que
la guerre est jolie. Avec ses chants, ses longs loisirs.
Guillaume Apollinaire – Calligramme,
L’Adieu du cavalier (1913-1916)
Ce poème
qu’Apollinaire publia en 1918 peu avant de mourir de la grippe espagnole, était
dédié à un soldat mort au Chemin des Dames, là justement où le Poète fut blessé
par un éclat d’obus.
Ce poème est
imprégné de la douloureuse expérience de la vie dans les tranchées, lorsque le
front stabilisé, les hommes de la première ligne tuent le temps faute de
pouvoir tuer du boche. Mais la mort rôde, elle avance masquée sous le parfum du
printemps réminiscence de la bien-aimée. L’adieu
du cavalier est un peu comme le destin du Dormeur du val (1), lorsque la mort se cache sous les aspects les
plus riants de la vie. Qui donc ne trouverait pas déchirant d’expirer dans un
champ de fleurs ?
Je crois que
c’est tout cela qu’il faut entendre dans le poème d’Apollinaire, et plutôt que
d’ironiser sur le mode sarcastique, il faut imaginer que la guerre c’est tout
cela à la fois, et le printemps et le sang versé – et le souvenir de la
bien-aimée, et les entrailles qui se répandent ; et le poète qui rimaille
pour tout le bataillon (2), et l’éclat d’obus qui pénètre dans son cerveau… Oui,
rien de tout cela n’est plus aujourd’hui ; c’était du temps où la guerre
durait suffisamment pour que la vie se développe autour, qu’elle l'enlace ses
élans, de ses volutes, un peu comme le lierre qui grimpe sur les ruines.
Aujourd’hui, on est juste un peu de conscience flottant dans l’air alors que
notre corps vient d’être atomisé en 1/20ème de seconde…
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(1) Arthur
Rimbaud – Le dormeur du Val, à lire ici.
(2)
Apollinaire fabriquait à la demande de ses compagnons de tranchée des poèmes
pour leurs maitresses.
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