Thursday, October 27, 2016

Citation du 28 octobre 2016

Ah Dieu! que la guerre est jolie. Avec ses chants, ses longs loisirs.
Guillaume Apollinaire – Calligramme, L’Adieu du cavalier (1913-1916)
Ce poème qu’Apollinaire publia en 1918 peu avant de mourir de la grippe espagnole, était dédié à un soldat mort au Chemin des Dames, là justement où le Poète fut blessé par un éclat d’obus.
Ce poème est imprégné de la douloureuse expérience de la vie dans les tranchées, lorsque le front stabilisé, les hommes de la première ligne tuent le temps faute de pouvoir tuer du boche. Mais la mort rôde, elle avance masquée sous le parfum du printemps réminiscence de la bien-aimée. L’adieu du cavalier est un peu comme le destin du Dormeur du val (1), lorsque la mort se cache sous les aspects les plus riants de la vie. Qui donc ne trouverait pas déchirant d’expirer dans un champ de fleurs ?
Je crois que c’est tout cela qu’il faut entendre dans le poème d’Apollinaire, et plutôt que d’ironiser sur le mode sarcastique, il faut imaginer que la guerre c’est tout cela à la fois, et le printemps et le sang versé – et le souvenir de la bien-aimée, et les entrailles qui se répandent ; et le poète qui rimaille pour tout le bataillon (2), et l’éclat d’obus qui pénètre dans son cerveau… Oui, rien de tout cela n’est plus aujourd’hui ; c’était du temps où la guerre durait suffisamment pour que la vie se développe autour, qu’elle l'enlace ses élans, de ses volutes, un peu comme le lierre qui grimpe sur les ruines. Aujourd’hui, on est juste un peu de conscience flottant dans l’air alors que notre corps vient d’être atomisé en 1/20ème de seconde…
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(1) Arthur Rimbaud – Le dormeur du Val, à lire ici.

(2) Apollinaire fabriquait à la demande de ses compagnons de tranchée des poèmes pour leurs maitresses.

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