Tuesday, April 28, 2009

Citation du 29 avril 2009

En général, si vous voulez créer quelque habitude, pratiquez ; si vous voulez ne plus l'avoir, cessez de pratiquer et habituez-vous plutôt à une autre pratique qui remplace la première. […] Il est impossible que les actes correspondants ne fassent pas naître des habitudes et des dispositions, si elles n'existaient pas auparavant ou, sinon, ne les augmentent et ne les renforcent.

Épictète – Entretiens

Ce que vous faites par habitude vous le devenez peu à peu : marathonien si vous courez régulièrement, lubrique si vous succombez au commerce charnel trop souvent.

Pour Epictète, non seulement la plasticité humaine existe, mais encore elle est sous la dépendance de notre volonté. Pour une fois qu’on ne peut reprocher aux stoïciens leur passivité, on ne va pas se priver d’en profiter.

Supposez que vous ayez l’intention de perdre de l’embonpoint. Vous avez un régime fait de carottes râpées et steak de soja. Mais vous fantasmez sur des pots de rillettes et des gâteaux au chocolat ? Dites-vous que ça ne durera pas et que bientôt vous rêverez de potage aux fanes de radis.

Et l’addiction, me direz-vous ? Epictète, il est bien gentil, mais il faut croire que de son temps, l’addiction, ça n’existait pas. Car aujourd’hui oui, ça existe. Et la volonté elle peut faire ses valises : elle ne sert à rien dans ce cas.

J’ai eu en commentaire d’un ancien post sur l’arrêt du tabac un monsieur qui est je crois coach en arrêt de fumer (qu’il me pardonne l’approximation éventuelle de cette formule). Il dit : pour arrêter de fumer, il ne faut pas faire appel à la volonté, mais stimuler un désir opposé. Arrêter de fumer doit faire plaisir (1). Dont acte.

Après tout ce n’est pas si opposé au stoïcisme. Déjà parce que c’est à peu près ce qu’on trouve dans le Traité des passions, et que Descartes n’est pas si loin du stoïcisme. Et puis de toute façon, en disant qu’on ne lutte contre une habitude qu’avec une contr’habitude, on ne sort pas du déterminisme de notre nature : on se contente d’en exploiter les contradictions.

Mais alors, voilà que notre croqueur de chocolat proteste : il n’y a rien en lui qui puisse s’opposer au délice du chocolat ?

Mais, mon ami, dites-vous que ce n’est qu’une habitude, et que comme toutes les habitudes, il ne dépendait que de vous de ne pas la contracter.

Fallait pas commencer.


(1) Ancien fumeur moi-même, j’atteste que je me suis arrêté de fumer au printemps, pour retrouver mon odorat affecté par le tabac et profiter du suave parfum des fleurs. Il est vrai que j’avais aussi le plaisir narcissique de me dire que j’avais été plus fort que la dépendance, ce qui est un peu contradictoire…

4 comments:

Anonymous said...

Enfin l'occasion de vous manifester mon habitude de vous lire, grâce à l'allusion du tabac pour illustrer votre exemple, ancienne grosse fumeuse; il faut quand même bien une part de volonté, même infime,pour ce diriger vers un désir qui contrebalance la place que prend le tabac; et bien sur le plaisir renforce l'envie de ne pas reprendre ,conditionnement opérant certainement, si le plaisir est plus fort que la manifestation, l'habitude peut s'installer, une fois passé les caps par des degré d'habituation (différent de l'habitude voir def wiki); merçi pour l'existence de votre blog, qui ravie mes débuts de journée de chômeuse, ça par contre j'ai du mal à m'y faire! Delphine D. 33

Jean-Pierre Hamel said...

Merci à Delphine D. pour sa fidélité qui me réjouit.
Il y a bien des façons de se déterminer à cesser de fumer, et la volonté peut sans doute y prendre sa part. Les philosophes ont spéculé bien des fois sur la question de savoir s’il y a quelque chose en amont de la volonté – tel que un désir secret qui échapperait à notre conscience, quelque chose qui me détermine à vouloir ou pas, et qui pose la question de la responsabilité.
Quant à moi, je ne parvenais pas à me décider à stopper la cigarette, ne supportant pas l’idée d’écraser mon dernier mégot dans un geste de condamné devant l’échafaud.
Or, voilà qu’un jour j’attrape la grippe : 4 jours sans pouvoir allumer la moindre cloppe !
Le 5ème jour, je me dis : « Voilà, tu as arrêté de fumer et tu as écrasé ta dernière cigarette il y a 4 jours. » Je n’avais même pas eu à décider de passer à l’acte.
Je n’ai pas fumé une seule cigarette depuis.
C’était il y a 35 ans.
Maintenant je ne supporte plus la fumée des autres. C’est pas malin…
P.S. Bon courage pour le chômage. La crise passera et les emplois reviendront : les patrons ne pourront pas continuer à toucher leurs primes sans des gens qui travaillent.

Luc Dussart said...

"Consultant en tabagisme" est ce qui est inscrit sur ma carte professionnelle. "Coach" va bien aussi, si l'on imagine que le consultant aiguillonne son client comme le cocher son équipage.

Moi aussi j'ai cessé le tabagisme un jour sans l'avoir prémédité : le cas est fréquent. J'aime le nommer Arrêt FRANC : on arrête franchement, sans hésitation, de façon immédiate. Le déclencheur est une occasion qui importe peu, c'est le moment où l'on est prêt à l'arrêt qui compte.

Le Pr Molimard, fondateur de la tabacologie médicale française, affirme que quand on est 'mûr', cela se fait tout seul (interview ici) : je souscris à cette vision. En réalité, ce n'est pas tant l'arrêt qui pose problème, mais de ne pas reprendre ensuite : et ceci dépend seulement de l'état psychologique.

Ce qui permet l'arrêt du tabagisme relève avant tout de l'inconscient, qui est en amont du conscient. Il y a quelques motivations opérantes pour un grand nombre qui ne le sont pas. Celles qui sont opérantes sont sensibles, relèvent d'un plaisir potentiel, autrement dit d'un désir sensible (sensation physique ou émotion), par opposition à une idée fumeuse, quand bien même elle serait socialement valorisée. Ne pas enfumer autrui est une idée fumeuse, se sentir libre un désir.

Voila, ça parait simpliste dit comme ça, mais c'est diablement puissant quand ces ressorts sont convenablement utilisés avec des techniques ad hoc. La PNL, l'hypnose, etc. en constituent le fondement, et tant pis si les lecteurs médecins poussent des cris d'orfraie parce que ceci ne relève pas de leur compétence professionnelle...
Unairneuf.org

Jean-Pierre Hamel said...

Merci de votre commentaire et de l'optimisme qui s'en dégage. Je pense que c'est l'élément essentiel pour réussir.