Thursday, June 12, 2014

Citation du 13 juin 2014


Appelons la femme un bel animal sans fourrure dont la peau est très recherchée.
Jules Renard – Journal
Qu’est-ce que la femme a de commun avec l’animal ? Sa crinière ? Sa démarche féline ? Ses coups de griffe ?
- Selon Jules Renard la femme est cet animal paradoxal qui possède une peau mais pas de fourrure et qu’on aime pour cela. Si on laisse de côté les fantasmes érotiques que soulève cette observation, poussons un peu plus loin ce propos : imaginons une peau de femme sans femme.
C’est cette image qui vient d’être activée par l’annonce de la découverte d’un livre relié en peau de femme dans un vieux fonds du 19ème siècle de la bibliothèque de Harvard (1).


Livre relié en peau de femme. Bibliothèque de Harvard

Cette image provoque  un certain malaise – oui, mais pourquoi ?
            1 – Une femme serait intéressante parce que sa peau ferait un très beau vélin. Malgré soi, on pense aux nazis dont on dit qu’ils faisaient des abat-jours de parchemin avec la peau des juifs. Vraie ou pas cette légende apparait comme un mépris ultime pour l’être humain qui est alors ravalé au rang de l’animal de boucherie destiné à l’équarrissage.
            2 – Ou alors, parce que l’amour du corps féminin serait dans ce cas uniquement amour de la peau féminine. Désirer ne conserver de la femme que la peau, c’est faire à coup sûr du fétichisme. De même que celui qui est fétichiste du pied ou du nombril fixe son désir sur cette partie du corps, le fétichiste de la peau serait celui qui imaginerait relier son livre de chevet avec la peau de la femme qu’il aime.
Et voilà que ça existe : vous en aviez rêvé ? Le docteur Boulland l’a fait. Si ce livre est pour nous source de désagrément, n’est-ce pas parce qu’il nous confronte à notre propre désir ?
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(1) « Un livre relié en peau de femme retrouvé à Harvard ; il s’agit Des destinées de l'âme, d'Arsène Houssaye, un auteur français des années 1800 aussi connu sous le pseudonyme d'Alfred Mousse.
Le propriétaire du livre était le Docteur Ludovic Boulland, (1839-1932), bibliophile et ami d'Arsène Houssay. La peau a été identifiée comme appartenant au corps d'une patiente du médecin atteinte de maladie mentale, et morte d'une crise cardiaque. Ludovic Bouland a même laissé une note : « Un livre sur l’âme humaine méritait bien qu’on lui donnât un vêtement humain: aussi lui avais-je réservé depuis longtemps ce morceau de peau humaine pris sur le dos d’une femme. » –Dépêche de Presse

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